
C’est un homme qui s’accroche au bord de la falaise, les deux pieds pendants vers l’abime dont il sait qu’il est insondable et froid. Il ne tient plus que par la pulpe de ses doigts, il sait qu’il finira par lâcher, inéluctablement, il pleure, il gémit, il crie, parfois, mais il tient, encore et encore.
Je lui tiens le bras, doucement, pour ne pas lui faire mal. Je soutiens son regard quand ses yeux vagues accrochent les miens, je sens sa peur, immonde, et je sais que je n’ai pas de mots de consolation pour lui. Ces dernières semaines, le temps l’a rattrapé, sauvagement, et lui a plaqué sa peau tavelée sur le crâne. Il est comme un grand oiseau inquiet, perdu. Parfois il sourit. Parfois il éclate en sanglots. Puis il repose la même question. Puis il oublie. Puis il se souvient. La succession des émotions traverse son visage comme l’ombre des nuages de printemps sur la lande battue par les vents.
Tout ce qu’il est, tout ce qu’il a été, tout s’effondre et se dilue et pourtant, il n’oublie jamais de lutter, de tenir. Juste encore un peu de temps. (...)