Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Actualitté
Le sous-titrage collaboratif chez Arte, ou la chasse européenne au droit d’auteur
Article mis en ligne le 12 octobre 2016
dernière modification le 10 octobre 2016

Fin septembre, la chaîne Arte a décidé de proposer un projet étonnant : un modèle de sous-titrage collaboratif, lié à quelques programmes. L’idée est de donner aux internautes la possibilité d’intervenir, pour toutes langues, à l’exception de l’anglais, l’espagnol, l’allemand et le français. Mais le crowdsourcing passe assez mal.

« Si Arte se met à faire du sous-titrage “collaboratif”, la profession des traducteurs de sous-titres, qui a déjà été mise à mal ces dernières années, va encore prendre un coup. Et il ne faudra pas s’étonner si vous voyez un jour un Shakesperare sous-titre “de être ou de ne pas de être ?” », indique un traducteur littéraire.

Mais ce qui semble plus significatif, c’est que dans son communiqué, Arte souligne le fait que la communauté européenne est impliquée. En effet, le projet « a pour but de mettre en valeur la diversité linguistique en Europe ». Certains estiment que l’on atteint « le comble du cynisme » d’autant que l’annonce intervenait la veille de la Journée Mondiale de la Traduction.

Favoriser la diffusion d’émissions de niche

Auprès de Telerama, Arte précise sa position : contractuellement, les participants à ce modèle de traduction transfèrent leur droit d’auteur à Arte. De la sorte, aucune réclamation ne pourra être déposée.
(...)

Selon le président de l’ATAA, le modèle ne fonctionnera d’ailleurs pas bien longtemps : « Après quelques diffusions et des plaintes des spectateurs, il faudra engager des correcteurs, pour modifier des traductions bancales ou incorrectes. Cela engloutira les maigres sommes économisées par le sous-titrage gratuit. »

En somme, une décision idéologique, « celle de faire reculer le respect du droit d’auteur, et d’affirmer que ceux qui font les traductions ne doivent pas se prendre pour des auteurs ». Une idée que la Convention de Berne et le Code de la propriété intellectuelle balaieraient pourtant d’un revers d’article. « Il faut rappeler que les traducteurs d’œuvres de l’esprit sont auteurs de leur traduction, c’est dans ces textes. »

Quant à la comparaison avec le modèle collaboratif, l’argument ne tient pas l’examen : « D’abord, on ne donne pas un livre à traduire à 10 personnes : c’est pareil pour des sous-titres. » Ensuite, l’encyclopédie en ligne n’a pas de vocation commerciale – grande différence avec l’intention d’Arte. « Enfin, écrire ou modifier des articles d’encyclopédie n’est pas un travail d’auteur. » Bien entendu, dans un cadre expérimental défini, le projet serait intéressant, « certains de nos membres font d’ailleurs des traductions gratuitement pour des associations, mais il n’y a jamais d’exploitation commerciale. »

Mais dans tous les cas, l’ombre de la CE continue de planer : « C’est cette fascination pour la technologie, sensée pouvoir tout résoudre, avec la manie de monter des plateformes... Or, non seulement cela ne représente pas une solution à tout, mais, surtout, c’est toujours un modèle qui vise à limiter le contact humain : on finit par n’avoir plus besoin de parler. Un comble quand on parle de traduction ! » (...)