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le grand soir
Le système, l’opinion publique et les grandes causes
Bernard Conte, sociologue
Article mis en ligne le 5 juillet 2019
dernière modification le 4 juillet 2019

« L’opinion publique est la clé. Avec l’opinion publique, rien ne peut faillir. Sans elle, rien ne peut réussir. Celui qui manipule les opinions est plus important que celui qui applique les lois. »
Abraham Lincoln (1809-1865), 16e président américain

Le système d’exploitation et de contrainte, capitaliste depuis trois siècles, instrumentalise l’opinion publique pour arriver à ses fins. En effet, la domination du petit nombre sur le grand nombre a besoin d’un « pseudo » consentement de la part de la masse.

Pour l’obtenir, le système met en lumière et promeut des causes « humanitaires » qui, tellement « évidentes », charitables et flatteuses pour la dignité humaine, deviennent rapidement des dogmes, des vérités imposées (révélées) qu’il est interdit de mettre en doute ou de contester sous peine de sanctions (mise au ban, exclusion, excommunication). Il s’agit le plus souvent de « sauver » tout ou partie de l’Humanité.

L’adhésion et la participation à ces « croisades » ne peut se négocier. Au mieux, il est possible d’en discuter les modalités, d’envisager quelque orientation mineure... Le système utilise de multiples agents (personnel politique, medias, intellectuels, économistes, juristes, experts,...) pour tenter de justifier sa démarche et d’imposer ses vues.

Au-delà du discours officiel humaniste policé, le but ultime de ces « croisades » est une exploitation et une domination accrues des masses : le profit à tout prix. L’exemple de « sauver le Tiers-Monde de la misère » nous servira de guide pour montrer qu’il s’agit surtout de « sauver » le système.

En janvier 1949, lors de son discours sur « l’état de l’Union », Harry Truman définit les bases d’une idéologie nouvelle censée permettre aux États-Unis, puissance mondiale émergente, d’asseoir son impérialisme .

Par le développement

Truman « promet » aux pays sous-développés un rattrapage rapide du niveau de développement des États-Unis, s’ils se conforment aux prescriptions des experts occidentaux. En d’autres termes, s’ils se soumettent à l’impérialisme des EU, ils bénéficieront d’une sorte de fordisme caractérisé par la consommation et la production de masse. Le développement devient dès lors un dogme qui ne pourra être mis en cause sous peine d’excommunication. Qui oserait s’opposer à un processus visant le bonheur de milliards d’êtres misérables, malades, incultes, presque primitifs ?

Il se produit alors une mobilisation sans précédent de ressources financières, matérielles et humaines pour mettre en œuvre le processus de développement qui consiste :
• à produire de la croissance par le biais de l’industrialisation par substitution des importations,
• à urbaniser les populations,
• à « moderniser » les structures sociales en détruisant la société traditionnelle,
• à construire un État-nation...

Officiellement il s’agit d’occidentaliser le Tiers-Monde. En réalité, pour les pays sous-développés, cette croisade avait pour but d’instaurer un nouvel ordre mondial dominé par les Etats-Unis, reléguant les anciennes puissances coloniales au rôle de supplétifs.

Le mirage du développement

À intervalles réguliers, les agents du système ont mis en lumière des exemples de miracles économiques comme celui de la Côte d’Ivoire de Félix Houphouët-Boigny. Lesdits miracles se sont le plus souvent déroulés à crédit. Ils se sont alimentés de prêts accordés généreusement par les pays du Nord et, principalement, par les banques privées internationales qui recyclaient les pétrodollars issus du choc pétrolier de 1973. (...)

Lorsque le système a jugé qu’il pouvait passer à l’étape suivante, il a sonné la fin de la récréation. En 1979, Paul Volcker, alors Président de la FED, décide d’augmenter les taux d’intérêt. Cette mesure renchérissait la charge des dettes nouvelles et d’une large part des dettes anciennes contractées à taux variable. Dès lors, il était évident que cette hausse déclencherait une crise de la dette pour le Tiers-Monde.

La crise éclatera en 1982, au Mexique, et se propagera ensuite à l’ensemble des pays du Sud.

Après la crise la mise sous tutelle

La crise de la dette a permis de mettre le Tiers-Monde sous la tutelle des États-Unis et des institutions internationales aux ordres (FMI, Banque mondiale...). Le discours du « sauvetage » a évolué. La crise a été attribuée à la responsabilité des Etats « aidés » corrompus, n’ayant pas appliqué les bons conseils prodigués par les agents du système en développant un État rhizome ... En conséquence, il était urgent de faire une plus grande place au marché, de libéraliser, de privatiser, de réduire le train de vie de l’État, de lutter contre l’inflation et, plus généralement, d’appliquer les préceptes du néolibéralisme à l’image des pays du Nord avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan. (...)

La croisade du développement ayant échoué dans sa lutte contre la misère au Sud mais réussi dans la mise sous tutelle du Tiers-Monde par la dette, il était urgent de mettre en lumière une nouvelle cause universelle susceptible de mobiliser les masses pour engager un nouveau façonnage des structures sociétales en vue d’une exploitation et d’une domination toujours accrue. C’est ainsi que le système passa du sauvetage du Tiers-Monde à celui de la planète toute entière.

Le temps des croisades n’est pas révolu

Le système d’exploitation et de contrainte joue avec l’opinion publique pour obtenir le consentement du grand nombre. Appuyées par ses agents instrumentalisés, le système lance des croisades à consonance humanitaire qui mobilisent et fanatisent l’immense majorité des naïfs. (...)