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Le tour de France des Zad : à Notre-Dame-des-Landes, repos estival avant une nouvelle bagarre
Article mis en ligne le 28 juillet 2018
dernière modification le 27 juillet 2018

L’opération d’expulsion de la Zad de Notre-Dame-des-Landes a laissé des zadistes divisés au sujet de la stratégie à adopter face à l’État. L’automne pourrait les ressouder alors qu’arriveront déjà à terme les baux d’occupation très contraignants signés par une partie d’entre eux. Voici la dernière étape de notre Tour de France des Zad.

Le cadre bucolique du bocage vibre du pépiement des chants d’oiseaux. Mais la lutte continue. Il suffit d’une petite trentaine de gens venus déployer une banderole le long d’une des routes traversant la Zad pour rameuter les fourgons de gendarmes en tenues antiémeutes. L’hélico survole la scène au plus bas. Ordre de dispersion, grenades lacrymos, trois interpellations : comme un air de déjà vu. Cette réactivité des gendarmes donne la mesure du quotidien de la Zad, cinq mois et demi après l’abandon du projet d’aéroport. « Justice et vérité pour tous nos frères assassinés », clame juste la banderole jaune. Rien d’une émeute. En ce 12 juillet, cette simple action ne bloque pas la route, elle exprime seulement son indignation après deux morts tués par la police, à Nantes le 3 juillet, à Vic-sur-Aisne le 9. À Notre-Dame-des-Landes, une fois passée la vague la plus ouvertement répressive d’avril et mai, l’État reste sur le qui-vive, le doigt sur le lance-grenades.(...)

« Toute tentative de reconstruction, même de trois bouts de planches, est repérée par les gendarmes et détruite le lendemain, explique Julien ] en arrosant une planche de rutabagas replantés dans le potager collectif des Rouges et Noires. Il y en a qui ont essayé, dans l’Est. Et il y a toujours des gens prêts à le refaire… » L’« Est », ici, c’est la partie plus sauvage de l’enclave prévue pour le projet d’aéroport, un secteur où, normalement, aucun engin à moteur ne circulait depuis plusieurs années. Les habitats y étaient plus discrets, plus roots, terre et paille, bois de récup’, torchis. Ses habitants sont les grands perdants de l’opération militaire.

Les conventions d’occupation précaires ne courent que jusqu’en décembre et que leur reconduction est très compromise (...)

l’interlocuteur étant désormais le département de la Loire-Atlantique, associé à la chambre d’agriculture. Ce n’est un secret pour personne, les dirigeants du département sont animés d’un farouche esprit revanchard envers les zadistes, et la chambre d’agriculture tenue par la FDSEA (la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles), soutient l’appétit des paysans qui veulent récupérer des terres de la Zad pour agrandir leurs exploitations. De nouvelles conventions seront applicables en janvier, quand l’État se sera retiré des négociations, rétrocédant les terres de la Zad au département. Les manœuvres pour les attributions commencent dès cet automne.(...)

« Avec le département, on ne sait pas à quoi s’en tenir, va-t-il tout livrer aux agriculteurs cumulards qui cherchent à s’agrandir, ou alors panacher, en maintenant quelques conventions d’occupation précaires à quelques zadistes ? C’est la grande incertitude », soupire Julien, qui fait partie des signataires des conventions.

Le contenu des sept pages des conventions d’occupation temporaire n’a déjà rien de rassurant. Des clauses draconiennes y prévoient que tout manquement du signataire lui vaudrait une révocation immédiate. L’épée de Damoclès, c’est la résiliation expéditive, sans préavis ni indemnité, de la convention pour le moindre coup de canif au contrat. (...)

Sur le papier, les signataires se sont engagés « à informer immédiatement l’État par tous moyens » de la moindre occupation, sous peine de perdre le bénéfice de cette tolérance temporaire, et de se retrouver sous la menace d’une expulsion par la force.

« On se relève, mais maintenant, il faut se mettre au clair sur ce qu’on veut défendre ici »
Autre clause inquiétante, la convention exclut toute tacite reconduction et l’État peut la résilier unilatéralement, sans formalité préalable, sans indemnité ni préavis, « dès lors que les terrains doivent être rétrocédés à leur ancien propriétaire qui en a fait la demande conformément aux articles L 421-1 et suivant du Code de l’expropriation ». La convention a même ficelé, en cas de refus de quitter les lieux, les conditions d’une sanction financière jour par jour(...)

Autant dire que les projets des zadistes n’ont été ni agréés ni régularisés : ils ont juste reçu une indulgence temporaire et sans doute tactique, soumis à réexamen quelques mois plus tard. S’ils ont semé ce printemps entre deux salves de lacrymos, ces zadistes n’ont pas la moindre garantie d’être là pour la récolte. Le répit octroyé par ces conventions ne couvre donc que l’été.(...)

Manifestement, l’État a joué la montre, détruisant une partie des habitats, soumettant les autres à ces conventions, misant sur ces quelques mois en suspens et surtout sur les dissensions internes, en espérant voir la zone plus ou moins vidée, ce qui réduirait sa capacité à peser sur un rapport de force.

« C’est ce qui peut resserrer le mouvement, note Anna. À l’automne, on va tous se retrouver dans la même situation. »(...)

Après le traumatisme des expulsions et destructions d’avril et mai, la reconstruction ne concerne pas que les habitats. C’est aussi la force politique de la Zad qui est questionnée.

Début juillet, la semaine Zadenvies a réuni quelques centaines de personnes, bien moins que les rassemblements annuels du mouvement à même époque, désormais abandonnés par son association citoyenne, l’Acipa, qui a jeté l’éponge.(...)

L’événement a bénéficié de beaucoup moins de relais et de communication. Mais il avait quand même une certaine allure. (...)

Le prochain grand rassemblement, c’est la semaine intergalactique du 27 août au 2 septembre prochains, « rencontres entre territoires en batailles et en quête d’autonomie », avec une forte orientation internationale. Cet appel intergalactique fait référence aux rencontres du Chiapas, où les insurgé·es zapatistes occupent le terrain depuis plus de vingt ans.