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Les « Féminins » et les cosmétiques dangereux pour la santé : silence dans les rangs ?
Article mis en ligne le 1er août 2017
dernière modification le 31 juillet 2017

Le 21 juin 2017, Le Canard enchaîné publie un article qui, sous le titre « Des cosmétiques empoisonnés sous la haute protection des budgets de pub », relève le « silence assourdissant de la presse féminine » sur l’enquête publiée le 7 juin par l’association UFC-Que Choisir qui dressait la liste de « 1000 cosmétiques préoccupants… mais toujours en vente », dont 23 sont carrément hors-la-loi.

Quel sort ces publications ont-elles réservé à ces informations ? Pour le savoir, on a ausculté le traitement de ce sujet par des « fleurons » comme Cosmopolitan et Marie Claire, Elle et Version Fémina, Madame Figaro, Marie France et Vogue.
Des silences et des contournements
La quasi-totalité des titres ne mentionnent ni l’enquête UFC-Que Choisir, ni celle qu’évoque Le Canard enchaîné du 21 juin [2].

Pas de traces non plus dans la totalité de ces publications de l’enquête très complète, déclinée en quatorze épisodes, étalés sur cinq mois, publiés par le site « Les jours » sur les (mauvaises) pratiques de l’industrie cosmétique, ou sur le racket organisé auprès des clients, notamment par l’Oréal et que décrit François Meunier, dirigeant d’Alsis Conseil, professeur associé de finance à l’ENSAE ParisTech, dans un article publié 17 mai 2016 sur le site Telos, « L’Oréal et la concurrence par la publicité » : « Cette concurrence [entre groupes] signifie des bagarres sur la commercialisation, qui sont payées par le consommateur sous forme de hausse de prix. La ponction sur le pouvoir d’achat est très importante. »

Deux exceptions méritent toutefois d’être mentionnées.

 Marie Claire a publié trois articles consacrés aux produits toxiques présents dans les cosmétiques les 22 février, 10 mars et 8 juin. Ce dernier article – « UFC-Que Choisir alerte sur 1000 produits dangereux dont 23 "hors la loi" » – est consacré, comme son titre l’indique, à l’enquête de Que Choisir.

 Madame Figaro, le 21 avril, mentionne quelques lignes de cette même enquête. Que pèse toutefois un article discrètement inséré sur un site face à l’avalanche de promotion (y compris en convoquant des représentants de l’Oréal pour le faire) pour ces mêmes cosmétiques que l’on retrouve notamment dans les produits de beauté ? Poser la question, c’est déjà y répondre.

Ces remarquables exceptions restent plutôt discrètes puisqu’elles sont publiées sur les seuls sites internet des deux magazines, sans accroche particulière permettant d’y accéder facilement.

Et ce n’est pas tout. (...)

de façon plus générale, les « féminins » poursuivent leur effort [3], visant à « verdir » l’approche des cosmétiques. Une approche que consacre « L’observatoire des cosmétiques » quand il met en valeur ce marché de niche : « la cosmétique naturelle et biologique se porte toujours bien. […] En France, le deuxième marché européen de la cosmétique certifiée avec 463 millions d’euros en 2016, la cosmétique bio se prévaut d’une part du marché global de 4,3 %. La croissance est soutenue et s’accélère, portée par les jeunes générations qui achètent en moyenne plus de produits bio que les 50 ans et plus. [4] »

Cette tendance à valoriser le « bio » s’inscrit parfaitement dans la stratégie de leurs annonceurs. Le 24 avril 2017, le journal Les Échos souligne que « pour L’Oréal, utiliser des ingrédients bio est devenu une priorité depuis une dizaine d’années » [5].

Pour autant, cette confusion entre publicité et rédactionnel n’est pas une nouveauté dans le secteur des « féminins ». (...)

De l’emprise de l’industrie des cosmétiques…
Cette question présente d’autant plus d’intérêt que « le segment des féminins reste […] le premier en recettes publicitaires ! » [7] et qu’on retrouve l’ensemble des titres mentionnés plus haut parmi les 20 principaux titres gavés de publicité en 2015, (selon un document publié par le site MLP).

Le secteur des cosmétiques et la publicité correspondante occupent une place de choix. (...)

Au niveau mondial, les chiffres donnent le vertige. François Meunier, dans l’article déjà mentionné, affirme que « les acteurs ont en moyenne 15% de leur chiffre d’affaires en budget publicitaire, cela représente un montant de 57 milliards d’euros (et 110 milliards si c’est 29%) au niveau mondial » [8].

C’est assez dire la taille du gâteau offert aux « féminins » [9].

On comprend alors pourquoi Aline Kuhn, « conseillère média chez mediaschneider, à propos de publicité tangible », déclare dans la publication suisse dédiée, comme son nom l’indique aux « médias suisses » en décembre 2014 : « Imaginez un media féminin sans publicité. Impensable » [10]. La Suisse, évidemment, n’est pas le seul pays concerné !

Qui, en effet, retrouve-t-on dans le « Top 100 des annonceurs en France » selon le magazine Stratégies ? Plusieurs géants des cosmétiques comme L’Oréal Paris, Gemey, Maybelline et Garnier, Lascad (Groupe L’Oréal), Chanel parfums, Christian Dior, Sephora Parfums (LVMH), où l’allemand Beiersdorff (Nivéa, Eucelin, Labello, La Prairie), leurs « vaches à lait » ! (...)

L’emprise de la publicité est promise, hélas, à un bel avenir, avec le développement de la publicité digitale, encore marginale même si elle se développe (...)

Le bilan est donc accablant, l’information étant aux abonnés absents, comme le constate, dans un entretien accordé aux Inrockuptibles le 30 janvier 2014, Isabelle Chazot, passée à la fois par 20 ans, Isa et Grazia avant d’atterrir à Marianne : « Les magazines sont devenus des magasins : il faut sortir son porte-monnaie à chaque page ! De moins en moins de sujets de fond, de transmission de savoirs concrets, d’introspection… » Et d’ajouter un peu plus loin : « […] tout ce qui se passe d’intéressant aujourd’hui est sur le net. Et la raison n’est pas l’irréversibilité des mutations technologiques. A mon avis, c’est plutôt ce dont on vient de parler : l’embourgeoisement de la presse écrite, sa pétrification, son obsession consumériste, son vide… Les gens les plus doués que j’ai croisés dans ma vie professionnelle ont tous été éjectés. C’est quand même un problème ! Ils font tous autre chose. D’un autre côté, c’est encourageant : il suffit de changer le système ! »

Chiche !