
La nation ne cesse de renvoyer à la question de l’intégration dans une circularité sans fin. La fixation identitaire a souvent comme corrélat et conséquences des questions dont la solution semble impossible.
Intégrer, c’est très proche d’assimiler. Figure de l’absorption, il y a quelque chose de l’ordre de la disparition et de la digestion. Il s’agit par l’intégration d’introduire une partie dans un ensemble afin qu’il fasse un tout cohérent. Cela suppose que cette partie est un obstacle à une sorte d’harmonie préétablie, qui serait déjà là. Elle doit se fondre dans le paysage. On n’admet pas en utilisant ce terme l’idée d’un consensus a postériori.
Or dans son usage mathématique, l’intégrale cherche à ramener à l’égalité des différentielles en tenant compte de variables multiples. On peut donc constater une dérive du sens.
Les Roms et le polar
En lisant La route du Rom de Didier Daeninckx, le détour par le polar m’est apparu révélateur pour saisir la difficulté face à un autre choix que l’Etat-Nation. De la même façon que la littérature classique a mis à l’écart le polar, comme genre impropre, simple divertissement, on trouve dans la fantasmagorie autour des Roms une mise à l’écart qui renvoie à des peurs profondes. (...)
On ne peut compter que sur soi. De la même façon, les Roms ne peuvent recevoir d’aide que d’eux-mêmes.
Livrés ainsi à eux-mêmes, dans un monde concurrentiel, comme les transatlantiques qui font la course, ils cherchent à atteindre un territoire, une île. Thématique classique de l’utopie, l’île est le but du voyage des Roms. C’est ainsi que Didier Daeninckx nous les présente, dans une altérité irréductible, derniers voyageurs en quête de l’île d’Utopie.
L’histoire commence par le récit du patriarche qui lègue sa mémoire à un jeune membre du groupe qu’il a pris à ses côtés comme son propre fils. Mémoire d’un homme qui a souffert. Les Roms sont en marge par choix et dans un même temps on les rend responsables de ce qui désolidarise tout groupe : le vol, le crime. Figures du bouc émissaire, ils assument le rôle de l’étranger contre lequel s’assoit la nation. Il y a « eux » et les autres. (...)