
Y a-t-il eu un moment collectif de tolérance envers l’homosexualité entre 1919 et 1939 ? En Europe, l’entre-deux-guerres est une période d’affirmation de plus en plus libre d’une identité homosexuelle, tendance qui sera interrompue par la guerre et mettra plusieurs décennies à renaître ensuite.
Entre les deux guerres mondiales, les villes de Londres, Paris et Berlin connaissent toutes les trois des temps de libération de la sexualité, permettant à beaucoup de femmes et d’hommes de vivre plus simplement leur homosexualité en facilitant pour eux et elles les rencontres amoureuses, ou l’émergence de lieux de sociabilité idoines. À Berlin, le développement de nombreux cabarets, destinés aux touristes ou aux locaux, aux riches ou aux pauvres, aux hommes ou aux femmes, favorise l’épanouissement culturel d’identités gays ou lesbiennes vécues collectivement. En Angleterre, une forme de "culte de l’homosexualité" se développe même au sein des élites sociales pendant les années 1920 : à l’intérieur de certaines sphères exclusivement masculines comme certains clubs, les public schools ou l’université, un imaginaire homoérotique est construit par les artistes et les intellectuels, et les pratiques homosexuelles sont plus librement assumées. (...)
Ainsi apparaissent même les premiers courants de revendications politiques, qui s’opposent publiquement aux discriminations subies par les homosexuels (...)
Le dynamisme de cette tendance sera cependant interrompu brutalement par l’avènement du régime nazi en Allemagne et la Seconde Guerre mondiale partout en Europe : tandis que l’homosexualité devient un motif de déportation pour les hommes (les femmes lesbiennes sont, elles, déportées selon d’autres prétextes), on fustige dans les rangs de la Résistance la figure du collaborateur homosexuel. Après la guerre, cette figure sera diffusée dans le débat public, et le sujet de l’homosexualité sera de nouveau voué à l’invisibilité jusqu’aux années 1970 et aux mouvements de libération homosexuelle influencé par les États-Unis… L’affirmation d’identités homosexuelles renaitra alors en puisant à d’autres références culturelles. (...)