Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
Les attaques contre les hôpitaux sont-elles des crimes de guerre ?
Article mis en ligne le 13 octobre 2015

MSF dit que le bombardement de son hôpital à Kunduz par un avion de guerre américain est un crime de guerre. Les quatre enquêtes distinctes* qui sont actuellement menées pour faire la lumière sur l’événement, qui a fait 22 victimes, devraient permettre de déterminer si l’organisation d’assistance médicale a raison. Si l’on se fie aux précédents, toutefois, il est peu probable que des poursuites criminelles soient engagées quelles que soient les conclusions des enquêtes.

MSF a appelé à l’activation de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits (CIHEF), une institution qui a pour mandat d’enquêter plutôt que de juger. La CIHEF a été créée en 1991 par le premier protocole additionnel aux conventions de Genève et n’a pas encore mené d’enquête.

Nous examinerons ci-dessous les contextes historiques et judiciaires des attaques commises contre des établissements médicaux.

Ce genre d’attaque est-il courant en temps de guerre ?

Malheureusement, les attaques contre les hôpitaux ne sont pas rares dans l’histoire récente. Voici quelques-uns des cas les plus connus :

Sarajevo : L’hôpital de Kosevo était le principal établissement médical de Sarajevo lorsque la ville a été assiégée en 1992. Dans les trois années qui ont suivi, il a été touché plus de 100 fois par des tirs d’artillerie, dont certains provenaient de très près.

Vukovar (...)

Des hôpitaux ont également été attaqués au cours des dernières années en Afghanistan, au Congo, à Gaza, au Soudan du Sud et en Syrie.

Les hôpitaux ne sont pas les seuls à faire l’objet d’attaques. Une étude récente menée par le CICR fait état de 2 398 incidents de violence à l’encontre d’établissements et de fournisseurs de soins de santé enregistrés de 2012 à 2014 dans 11 pays.

Les hôpitaux bénéficient-ils d’une protection spécifique en vertu du droit international humanitaire (DIH) ?

Oui. Les attaques contre les hôpitaux ont été les premiers crimes de guerre à être définis comme tels. La codification des crimes de guerre rédigée par Abraham Lincoln pendant la guerre civile américaine, l’un des premiers textes de loi du genre, aborde spécifiquement ce type d’attaque. Les mots de Lincoln ont été repris presque tels quels en 1949, au moment de rédiger la quatrième Convention de Genève, qui constitue la source principale du DIH en ce qui concerne la protection spéciale offerte aux établissements médicaux en temps de guerre. La Convention a été signée par 196 pays.

Qu’arrive-t-il lorsqu’on soupçonne qu’un crime de guerre comme celui-ci a été commis ?

Lorsqu’on soupçonne une violation du DIH, c’est la force militaire impliquée qui, dans un premier temps, a la responsabilité de mener l’enquête et, si nécessaire, de punir les responsables. (...)

la Cour pénale internationale (CPI) intervient uniquement « là où elle a juridiction et lorsque l’État en question n’a pas la volonté ou la capacité véritable d’enquêter et, si nécessaire, d’engager des poursuites. En d’autres mots, le système de la CPI est fait pour soutenir les enquêtes menées par les États. »

Dans le cas de Kunduz, le fait que le gouvernement américain n’a pas adhéré au statut de Rome, qui régit les règles de la CPI, complique également la situation, même si l’Afghanistan, où a eu lieu l’incident, fait partie des États signataires.

Combien de poursuites ont été menées en vertu du DIH pour des attaques contre des hôpitaux ?

Les cas concernant des établissements médicaux ayant été présentés devant des tribunaux pénaux internationaux sont très rares. Les affaires qui l’ont été incluaient généralement un éventail plus large d’allégations de crimes de guerre. (...)

la majorité des allégations d’attaques contre des hôpitaux ne provoquent pas grand-chose d’autre qu’une vague d’intérêt médiatique, des critiques virulentes et des déclarations soigneusement formulées par les coupables présumés.

Des efforts sont-ils déployés pour corriger la situation ?

Oui. Le CICR, l’organisation la plus étroitement associée au DIH, est si inquiet qu’il a mis en place un projet particulier appelé Health Care In Danger. Ce projet met l’accent sur la protection des soins médicaux en situation de conflit.

La question du droit international humanitaire fait partie des principaux sujets de préoccupation du Sommet humanitaire mondial. Le rapport de synthèse, qui résume les consultations menées jusqu’à présent, indique que les responsables doivent rendre des comptes et reflète les appels adressés aux États pour « réaffirmer leur engagement à mieux respecter le droit international humanitaire et à en assurer un plus grand respect ». Pour l’instant, toutefois, les participants au Sommet semblent à court d’idées sur la façon dont cela pourrait se faire ou sur ce que cela pourrait signifier dans la pratique et se contentent de parler de formations et d’engagements volontaires des États. (...)

Certains avocats soutiennent que les victimes des crimes de guerre ont plus de chances d’obtenir justice si elles poursuivent directement les auteurs des crimes que si elles s’appuient sur les tribunaux de crimes de guerre. Louise Hooper, une avocate des droits de l’homme basée à Londres, fait remarquer que de nombreuses victimes ayant intenté des actions contre des gouvernements en Europe et sur le continent américain ont gagné leur cause et ont été dédommagées (...)

« Une autre option – qui, en fin de compte, donnerait peut-être de meilleurs résultats – serait d’intenter une action collective en vue d’obtenir une compensation pour les victimes. Cela signifierait que les individus pourraient espérer obtenir une forme de justice même lorsque la communauté internationale est impuissante à agir à cause de la façon dont fonctionne la politique. »