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Les chasseurs veulent faire la police
/Yves GUILLERAULT Paysan et journaliste
Article mis en ligne le 16 novembre 2021

Alors qu’une pétition populaire vient de dépasser les 100 000 signatures pour réclamer une meilleure régulation de la chasse et qu’une commission de contrôle se met en place au sénat, Willy Schraen, président de la fédération de chasse, lance la contre-offensive et veut gendarmer les autres usagers de l’espace rural. Les chasseurs en auxiliaires de Darmanin, il fallait oser.

Sauver Willy… du péché d’orgueil ! C’est vrai, ça tombait mal pour le patron des tireurs pas vraiment d’élite, Willy Schraen : des accidents graves en cascade au moment où une pétition, "Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça !" lancée il y a seulement quelques semaines, recueillait plus de 100 000 signatures pour réclamer une régulation de la chasse.1 Une conjonction et surtout un succès populaire suffisamment probant pour que le Sénat n’attende pas l’échéance du 10 mars 2022 (fin de période de signatures) pour lancer une mission conjointe de contrôle qui sera suivie d’une inscription à l’ordre du jour d’un texte législatif et d’un débat en séance publique (...)

« Le risque zéro n’existe pas, c’est comme ça », a assené Willy Schraen3 avec beaucoup de compassion pour les victimes d’un simple loisir d’une minorité mais qui sont ici considérées comme de simples dégâts collatéraux. « C’est comme ça », donc ça ne se discute pas, ce qui permet de tuer le débat de la régulation. (...)

« Toi, tu penses qu’on est là pour réguler, mais t’as pas compris. T’as pas compris que pour nous c’est une passion ? T’as pas compris qu’on prend du plaisir dans l’acte de chasse ? Moi, mon métier, ce n’est pas chasseur, j’en ai rien à foutre de réguler », a-t-il lancé à une avocate, choquée de l’abattage de gibier en enclos, au cours de l’émission de comptoir et bien nommée « Les Grandes gueules ».4 Des grandes gueules qui n’ont rien à dire (de constructif) mais qui le disent haut et fort. Schraen a donc mis en ordre de bataille son lobby avec à sa tête l’incontournable Thierry Costes, chef de sa garde prétorienne, qui a ses entrées dans les salons ministériels les plus reculés5 jusqu’à l’oreille complaisante et intéressée d’Emmanuel Macron. Ce dernier, candidat en campagne de chasse aux voix pour la présidentielle, ne veut évidemment pas laisser l’électorat des chasseurs à Xavier Bertrand qui a lui, rappelons-le, nommé une responsable d’association de chasse, Véronique Teintenier, 13e vice-présidente de sa Région en charge de la biodiversité, également membre de la commission environnement, ruralité, chasse et pêche. (...)

L’autre contre-offensive est venue de l’incontournable Schraen dans le JDD (14/11) qui a annoncé vouloir « proposer aux élus ruraux, lors du Congrès des maires cette semaine, un "partenariat" afin de donner aux agents assermentés de sa Fédération des pouvoirs de police dans la forêt, pour lutter "contre la délinquance rurale et environnementale" ». Les chasseurs, bras armé de Darmanin dans les prairies et forêts, il fallait y penser. Les exploitants de la FNSEA ont obtenu le soutien d’une cellule Demeter de la gendarmerie, les chasseurs veulent leur propre police. (...)

Une note conjointe du ministère de l’Intérieur et de celui de l’Écologie adressée aux préfets8 a toutefois remis les pendules à l’heure face au lobbying des chasseurs visant à faire investir certains agents particuliers de prérogatives judiciaires au profit de groupements privés, d’associations ou fédérations départementales, qui veulent satisfaire une clientèle de propriétaires privés intéressés. Le ministère a donc demandé aux préfets une certaine vigilance sur les critères d’assermentation : « Ces demandes doivent être considérées comme irrecevables, car ces groupements ne peuvent solliciter l’agrément d’un garde particulier que pour assurer la garderie des terrains pour lesquels ils disposent en propre des droits de propriété ou d’usage ou des droits de chasse ou de pêche. » Willy Schraen veut au contraire étendre les prérogatives de police de ses propres agents particuliers sur toutes les zones rurales et sur tous ses usagers. (...)

les soldats de Willy Schraen et Thierry Costes ont ouvert la chasse aux candidats à la présidentielle, soit pour les rallier à leur cause soit pour décrédibiliser ceux qui ne se montreraient pas assez amicaux, suivez mon regard. Ça va péter dans les campagnes !