
La ville de Raqqa, dans le nord-est de la Syrie, est l’un des fiefs du soi-disant État islamique (EI). L’agglomération est jugée suffisamment importante d’un point de vue stratégique pour que plusieurs l’appellent la « capitale » du groupe et pour que la France choisisse de la bombarder à plusieurs reprises pour répliquer aux attaques commises à Paris ce weekend.
Lundi, le lendemain des frappes aériennes menées par des avions de guerre français contre la ville, le président François Hollande a promis d’intensifier la campagne militaire contre l’EI et de « détruire » le groupe.
De nombreux civils se trouvent toujours dans la région, même s’il semble qu’aucun civil n’ait été tué dans les frappes menées pendant la nuit de dimanche à lundi. Comment s’en sortent-ils ? Les informations en provenance du territoire contrôlé par l’EI filtrent au compte-goutte, mais voici ce que nous avons pu établir :
Population civile (...)
Ce n’est pas parce que l’EI a pris le contrôle de la ville que tous les habitants actuels soutiennent le groupe, a expliqué Columb Strack, analyste principal du Moyen-Orient pour l’IHS [Institute for Humanist Studies], un groupe de réflexion.
Ceux qui sont restés à Raqqa ont simplement appris à composer avec les règles strictes de l’EI et à faire profil bas. « Ils tirent le meilleur parti possible de la situation », a dit M. Strack à IRIN. « Ils ne veulent pas quitter leur foyer et font avec ce qu’ils ont. »
Ils doivent notamment assister presque quotidiennement à des exécutions, des flagellations et des défilés publics de prisonniers, a-t-il dit. « Mais, pour le reste, on peut dire, dans une certaine mesure, que la vie continue. »
Un groupe d’activistes anonymes présent sur les médias sociaux – « Raqqa is Being Slaughtered Silently » [Raqqa est massacrée en silence] – exprime très franchement son opposition à l’EI et au régime du président Bachar Al-Assad. (...)
Raqqa a été ciblée à maintes reprises par la coalition internationale qui combat l’EI et dont la France est soudain devenue un membre particulièrement visible. Les forces armées de la coalition se vantent que la précision de leurs frappes leur permet d’éviter de faire des victimes parmi la population civile, mais la véracité de ces affirmations a été contestée. (...)
« Les critères d’intervention pourraient être relâchés, ce qui pourrait entraîner une augmentation du nombre de morts dans les zones bâties comme Raqqa. » (...)
M. Strack estime que les civils de Raqqa pourraient indirectement payer le prix des frappes aériennes menées dans la nuit de dimanche à lundi dans les jours à venir. Ils pourraient notamment être considérés comme des informateurs de l’Occident et être exécutés ou être utilisés comme boucliers humains.
Alors que les habitants des capitales occidentales sont de plus en plus nombreux à réclamer une intervention militaire plus musclée, d’autres acteurs exhortent les chefs d’État à éviter les réponses impulsives qui pourraient jouer en faveur des extrémistes.
« L’EI veut être bombardé par la France », a écrit Hania Mourtada, de l’organisation non gouvernementale (ONG) The Syria Campaign, basée au Royaume-Uni, dans un courriel adressé à IRIN. « Chaque victime civile inévitable pousse de nouvelles personnes à rejoindre les rangs des extrémistes. »
« Si nous voulons réellement contrarier [les plans de] l’EI, nous devons redoubler d’efforts pour ramener la paix en Syrie en chassant du pouvoir le principal meurtrier de la population civile syrienne : Bachar Al-Assad. »