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Les droits de propriété intellectuelle nuisent à la biodiversité
#biodiversité #agriculture
Article mis en ligne le 18 août 2023
dernière modification le 17 août 2023

Brevet et certificat d’obtention végétale (COV) sont deux droits de propriété intellectuelle. Tout deux impactent fortement à la fois la biodiversité cultivée et sauvage.

Certains droits de propriété intellectuelle (DPI) touchent la biodiversité cultivée, l’agriculture, mais aussi la biodiversité sauvage, qui fournit des ressources génétiques [1] telles que la stévia ou le margousier [2]. Il s’agit du brevet ainsi que, pour les cultures végétales, du certificat d’obtention végétale (COV). Ce dernier est lié à un autre outil, distinct des DPI, le catalogue officiel des variétés [3].
Des cadres législatifs avec une logique propre

En Europe, les brevets sont octroyés par l’Office européen des brevets (OEB). La brevetabilité des inventions biotechnologiques, dont les plantes et les animaux, est définie par la règle 27 de la Convention sur le brevet européen. Est notamment brevetable « une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l’aide d’un procédé technique, même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel ». (...)

La décision G 3/19 de la Grande Chambre de recours de l’OEB de mai 2020 a néanmoins exclu de la brevetabilité les procédés « essentiellement biologiques » - par exemple s’ils consistent intégralement en des phénomènes naturels tels que le croisement ou la sélection - et des produits obtenus par de tels procédés [4]. Même si ceci reste quelque peu théorique [5].

Une plante peut, par ailleurs, être protégée en tant que variété par un COV sous réserve de respecter les critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité (DHS) examinés par des organismes habilités. Alors que le brevet porte sur un caractère lié au génotype de la plante, donc des caractéristiques génétiques, le COV portait jusqu’à présent sur un ensemble de caractères phénotypiques, c’est-à-dire l’aspect extérieur et le comportement mesurable de la plante entière. Brevet et COV sont donc différents et cumulatifs [6]. Cependant, il est probable que les critères du COV soient bientôt appelés à intégrer ou à remplacer la description d’un ensemble de caractères phénotypiques par une description d’un ensemble de caractères génétiques. A l’aide de marqueurs moléculaires, les obtenteurs pourraient en effet mieux tracer les variétés protégées et renforcer le contrôle des paysans par les semenciers.

Les catalogues officiels des variétés imposent les mêmes critères DHS que le COV, ce qui assure un monopole de fait aux variétés pouvant être protégées par un COV. (...)

Les DPI portent atteinte à la biodiversité...

Le catalogue officiel des variétés, les COV et les brevets impactent la biodiversité. Les brevets obtenus sur des produits créés par certaines nouvelles techniques de modifications génétiques aggravent cet impact. (...)

Le catalogue restreint la biodiversité en interdisant la commercialisation et, dans de nombreux pays, l’échange de semences paysannes non homogènes ni stables. Le système de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (Upov) restreint, lui aussi, la biodiversité [10]. Imposé à des États par le biais d’accord bilatéraux, il interdit aux paysans de conserver, échanger ou modifier les semences des variétés protégées alors qu’ils en sont historiquement à l’origine. De plus, rien n’empêche un obtenteur d’homogénéiser et de stabiliser des populations de semences paysannes pour ensuite se les approprier via un COV. La prééminence d’un tel modèle de développement agricole, limité pour le moment à 78 pays (sur 198), aboutirait inéluctablement à un appauvrissement de la diversité génétique cultivée et fragiliserait la sécurité alimentaire mondiale.

Les grandes firmes agro-industrielles disposent aujourd’hui de portefeuilles de brevets de grande ampleur [11]. Ils peuvent couvrir des traits exprimés par des variétés végétales issues de procédés conventionnels de croisement-sélection, des traits natifs d’espèces végétales présentes dans la nature, ou encore dans plusieurs variétés différentes. L’appropriation de ces caractéristiques peut contraindre le développement de la biodiversité cultivée, particulièrement celle produisant des aliments [12].
...et pénalisent ses protecteurs

La « biopiraterie » est l’utilisation abusive, surtout par les entreprises des pays « du Nord » (Europe, Amérique du Nord, Japon, Australie, Nouvelle Zélande et Chine), de la biodiversité et des savoirs traditionnels autochtones associés. (...)

Les brevets peuvent aussi brider la biodiversité cultivée. Un seul gène ou séquence mutée peut limiter l’accès à l’ensemble de la biodiversité comprenant l’élément breveté. Alors que le système de COV européen autorise l’utilisation de la variété protégée pour en sélectionner une autre et interdit de ressemer le grain issu de la récolte (ou, pour 34 espèces, impose le paiement de royalties pour le ressemer), le système brevets reste totalement excluant. Les sélectionneurs qui auraient besoin d’utiliser une variété portant un élément breveté pour créer de nouvelles variétés en seraient empêchés sans l’autorisation du titulaire du brevet. De plus, si une variété n’est généralement protégée que par un seul droit d’obtenteur, elle peut l’être par plusieurs brevets. À noter que, dans l’Union européenne, une variété en tant que telle ne peut être brevetée. Par contre, ses gènes peuvent l’être, d’où la possibilité de retrouver plusieurs brevets dans une variété. (...)

Les responsables politiques et institutionnels ont-ils réellement conscience que cette privatisation « en entonnoir » est également réductrice de biodiversité ?