
Ces bouts de territoires espagnols coincés sur la côte marocaine ont vu de nombreux jeunes partir rejoindre les rangs de Daech en Syrie et en Irak.
Comme à Barcelone, tragiquement touchée par le terrorisme djihadiste jeudi 17 août avec l’attentat à la fourgonnette qui a fait au moins 17 morts sur la Rambla quelques heures avant une autre attaque dans la ville de Cambrils, une marina superbe et touristique s’étale sur la mer Méditerranée au bout du port de Ceuta. Cette enclave espagnole en territoire marocain, visible à l’oeil nu depuis l’Andalousie, est aussi dans le viseur de Madrid. Mais pour une autre raison : les réseaux djihadistes espagnols passent souvent par Ceuta. Et par sa cousine, Melilla, dont l’un des suspects arrêtés par la police dans le cadre de l’attaque de Barcelone était originaire. (...)
L’ombre des djihadistes marocains
Un phénomène qui s’explique par plusieurs raisons. D’abord, la région du Rif, dans le nord du Maroc, est une plaque tournante du djihadisme international. Le royaume maghrébin est l’un des plus gros pourvoyeurs de combattants étrangers dans les rangs de Daech depuis le début de la guerre en Syrie. (..)
La région du Rif, pauvre et longtemps délaissée par le pouvoir central de Rabat –même si le roi Mohammed VI y a impulsé une nouvelle dynamique économique ces dernières années, notamment dans la ville de Tanger–, est un terreau idéal pour le terrorisme. (...)
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Les enclaves de Ceuta et Melilla, épicentre du djihadisme espagnol
Camille Belsoeur — 18.08.2017 - 16 h 20, mis à jour le 18.08.2017 à 16 h 20
Ces bouts de territoires espagnols coincés sur la côte marocaine ont vu de nombreux jeunes partir rejoindre les rangs de Daech en Syrie et en Irak.
Des policiers espagnols patrouillent à Ceuta après l’arrestation de deux personnes suspectés de liens avec un groupe djihadiste, le 13 janvier 2017. ANTONIO SEMPERE / AFP
Des policiers espagnols patrouillent à Ceuta après l’arrestation de deux personnes suspectés de liens avec un groupe djihadiste, le 13 janvier 2017. ANTONIO SEMPERE / AFP
Comme à Barcelone, tragiquement touchée par le terrorisme djihadiste jeudi 17 août avec l’attentat à la fourgonnette qui a fait au moins 17 morts sur la Rambla quelques heures avant une autre attaque dans la ville de Cambrils, une marina superbe et touristique s’étale sur la mer Méditerranée au bout du port de Ceuta. Cette enclave espagnole en territoire marocain, visible à l’oeil nu depuis l’Andalousie, est aussi dans le viseur de Madrid. Mais pour une autre raison : les réseaux djihadistes espagnols passent souvent par Ceuta. Et par sa cousine, Melilla, dont l’un des suspects arrêtés par la police dans le cadre de l’attaque de Barcelone était originaire.
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Dès janvier 2014, l’Institut royal Elcano, un centre de recherche espagnol réputé, identifiait le point central que représentait l’enclave de Ceuta en territoire marocain pour les djihadistes espagnols. Sur vingt résidents du pays –onze citoyens espagnols et neuf Marocains–ayant alors rejoint les rangs djihadistes en Syrie, la majorité venait de ce confetti territorial, vestige de l’époque coloniale.
« La plupart des onze Espagnols qui ont rejoint des groupes djihadistes en Syrie sont originaires de la ville de Ceuta. [...] Les neufs Marocains qui ont rejoint eux aussi les organisations djihadistes en Syrie vivaient à Ceuta et dans des localités de la péninsule ibérique comme Gérone en Catalogne ou Malaga en Andalousie », notait l’Institut royal dans son rapport.
Une étude plus vaste, toujours réalisée par l’Institut royal Elcano en juillet 2016, s’était pour sa part intéressée aux caractéristiques de 130 personnes arrêtées pour des activités terroristes en lien avec l’État islamique en Espagne entre 2013 et 2016. Près de la moitié d’entre elles étaient de nationalité espagnole et parmi elles, 71% étaient nées à Ceuta et Melilla. Pour les auteurs du rapport, les chercheurs Fernando Reinares et Carola Garcia-Calvo, Ceuta était « le premier foyer autochtone » de l’État islamique en Espagne, qui paradoxalement est l’un des pays européens qui a vu le moins de ses ressortissants rejoindre des organisations terroristes au Moyen-Orient –environ 150 contre 600 Français, pour une population moins d’une fois et demi plus nombreuse de ce côté-ci des Pyrénées.
L’ombre des djihadistes marocains
Un phénomène qui s’explique par plusieurs raisons. D’abord, la région du Rif, dans le nord du Maroc, est une plaque tournante du djihadisme international. Le royaume maghrébin est l’un des plus gros pourvoyeurs de combattants étrangers dans les rangs de Daech depuis le début de la guerre en Syrie.
En mars 2015, Abdelhak Khiame, le patron du Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ) marocain, avait recensé 1.355 combattants marocains partis en Syrie et en Irak, dont près de 500 dans les rangs de Daech, selon une enquête réalisée par le journal Le Desk Casablanca et parue dans le magazine Courrier international. Selon les dernières statistiques du BCIJ de mars 2017, près de 870 djihadistes marocains combattent encore au Moyen-Orient, les autres étant pour la plupart mort ou revenus au pays.
La région du Rif, pauvre et longtemps délaissée par le pouvoir central de Rabat –même si le roi Mohammed VI y a impulsé une nouvelle dynamique économique ces dernières années, notamment dans la ville de Tanger–, est un terreau idéal pour le terrorisme.
« Au cœur des attentats terroristes qui ont frappé une bonne partie du monde ces quinze dernières années, il y a le Rif. Une région montagneuse du nord du Maroc, s’étirant du tumulte de Tanger et de Tétouan à l’ouest, jusqu’à la frontière algérienne à l’est. Le Rif est un pays pauvre, riche en plantations de marijuana, trafiquants de drogue, trafiquants tout court. [...]
Pour les enfants du Rif transplantés en Europe, ces origines peuvent se mêler à la marginalisation, à l’accès à des réseaux criminels et à la radicalisation, afin de rendre les plus vulnérables d’entre eux particulièrement sensibles aux sirènes du terrorisme », écrivait en 2016 la journaliste Leela Jacinto dans une longue enquête du magazine Foreign Policy traduite sur Slate.fr.
Et pour les habitants du Rif, l’Europe est toute proche, juste derrière les hautes grilles qui séparent Ceuta et Melilla du Maroc. Chaque jour, plus de 30.000 personnes passent ainsi le poste-frontière de Ceuta, principalement des Marocains qui vont travailler à la journée dans l’enclave. Un va-et-vient vital pour l’économie de la région, mais très difficile à contrôler.
Un îlot de pauvreté (...)
« Il y a deux Ceuta : le Ceuta qui vit bien, en gros quelque 20.000 fonctionnaires, et le Ceuta qui galère, ceux qui n’ont pas de travail », expliquait en août 2016 Manuel José Lopez Ruiz, un chercheur à l’Instituto de Estudios Ceuties, au journal Le Monde. Les indicateurs sociaux de Ceuta, comme ceux de Melilla, sont parmi les plus mauvais d’Europe : le taux de chômage y dépasse les 30 % et bat des records en Europe chez les jeunes, selon les statistiques de l’Union européenne. (...)