
Le « Marais », c’est ce squat gigantesque en plein cœur de la ville de Caen, qui a accueilli près de 250 personnes migrantes, dont certains dublinés, pendant près d’un an et demi. Un squat autogéré, où ce sont les personnes migrantes, accompagnées de bénévoles, qui organisaient leur vie au quotidien. Répartition des tâches ménagères, établissement d’une école nomade, création d’un salon de coiffure… En 18 mois, une microsociété s’est créée. Sur les 250 habitants du « Marais », quelques 80 enfants, tous scolarisés dans une école de la ville.
Nombre d’associations caritatives étaient également mobilisées. La Cimade y donnait des cours deux fois par semaine. Une association de couture venait prêter main forte aux mères de famille pour rapiécer les vêtements des enfants. Des particuliers et des voisins distribuaient régulièrement au tiers-lieu de la nourriture et des vêtements.
Géographie de la lutte
Des ressortissants afghans, tchétchènes, albanais, soudanais ou encore mongoles peuplaient ce squat. Pour ces « enfants du Marais », souvent au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès, une obligation de quitter le territoire. « La plupart n’avait pas le droit d’être pris en charge par l’Etat. Personne n’en voulait », renchérit Quentin.
Le documentaire expose aussi leur réflexion identitaire et leur rapport à la France.
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Le « Marais » constituait aussi une géographie de « convergence des luttes », selon Quentin. Notamment avec les gilets jaunes. Un espace propice à la discussion qui accueillait régulièrement débats et projections.
La fin d’une utopie ?
Pendant ses six premiers mois, le « Marais » a été un lieu résolument pacifique, note Quentin. Et puis, avec l’arrivée de nouvelles personnes, essentiellement des hommes célibataires, cela s’est corsé. Des problèmes de sécurité ont commencé à apparaître.
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En octobre 2019, le « Marais » a finalement été évacué, sonnant le glas d’une expérimentation de vie en collectivité. La plupart de ses anciens habitants loge désormais dans un autre squat de la ville, la « grâce de Dieu ». Un tout autre espace pour une toute autre mentalité, estime Quentin. « Il s’agit d’un ancien immeuble. Les appartements ont des portes, chacun dispose de sa propre cuisine… C’est un lieu d’habitation en somme, quand le Marais constituait plus un lieu de vie ».
« L’esprit du Marais » existe-t-il toujours ? Pour Quentin, cela ne fait pas de doute, et s’est notamment traduit durant le confinement avec l’organisation de collectes et de dons.
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Un « esprit » qu’ils espèrent tous voir survivre aussi grâce au documentaire. « Quand on leur a montré les images, ils étaient heureux. Il y a beaucoup attente de leur côté, ils ont envie qu’il sorte ». Ce film étant bientôt achevé, les trois journalistes réfléchissent désormais à sa diffusion. L’idée ? Organiser des ciné-débats dans différentes villes en France, et qui sait, être sélectionné en festival.