
Rose a 16 ans. Séparée de sa mère qui réside en France depuis des années, et désespérée par six années de lenteur d’une instruction erratique de la procédure de regroupement familial, elle quitte la Côte d’Ivoire pour rejoindre sa mère sous une fausse identité. À Orly, le 7 juillet, la police aux frontières (PAF) a vite fait de déjouer la ruse de l’adolescente.
Refusant de la laisser entrer sur le territoire, elle place Rose en zone d’attente pour la refouler vers le Maroc, pays où elle a embarqué pour la France. Rose est mineure et, comme toute enfant, ce n’est pas d’une geôle aéroportuaire sordide qu’elle doit bénéficier, mais de la protection de la France et de la désignation d’un tuteur ad hoc chargé de défendre ses intérêts et de la représenter.
Mais la PAF en décide autrement. Bien qu’en possession de documents d’état civil prouvant sa minorité, Rose subit un test osseux. Ce test — dont la fiabilité des résultats n’est, elle, plus à prouver — la déclare majeure, comme la foultitude de mineurs étrangers qui ont eu droit à cet examen humiliant. Rose reste en zone d’attente, sans protection ni tuteur qui aurait pu introduire un recours contre le refus d’entrée. Elle peut être expulsée à tout moment vers le royaume chérifien, où elle ne connaît personne.
Le juge des enfants du Val-de-Marne devait recevoir Rose en audience le 10 juillet et prendre une mesure éducative confiant la jeune fille à la garde maternelle. Là aussi, la PAF, toute-puissante, en décide autrement : jouant de vitesse avant que le juge signe son ordonnance, elle embarque Rose, ligotée et sanglée, dans un avion pour Casablanca, sous les insultes et les intimidations.
À l’arrivée, l’escorte policière française « confie » Rose aux bons soins d’un agent de transit de Royal Air Maroc (RAM) et repart avec le sens du devoir accompli. L’adolescente passe plus de 30 heures dans un couloir (traduction en bon français : un cagibi puant) de la zone de transit de l’aéroport marocain, à même le sol, sans eau ni nourriture. Le 12 juillet, à minuit 30, elle embarque seule sur un avion de la RAM vers Abidjan, où elle n’a aucune attache. La police ivoirienne la cueille à l’atterrissage et exige une rançon de 200 000 francs CFA pour qu’elle soit enfin libre et remise entre les mains d’amis de sa classe. (...)