Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Les épuisettes culturelles : un nouveau modèle économique au service des artistes et des citoyens curieux
Article mis en ligne le 9 avril 2015
dernière modification le 2 avril 2015

Inspirées des Amap et de leurs paniers de fruits et légumes bio et locaux, voici les « épuisettes culturelles ». L’idée : proposer aux citoyens curieux des paniers d’offres culturelles – des CD, des concerts, du théâtre, de la danse… – en échange d’une cotisation. Ces « associations pour le maintien des alternatives en matière de culture et de création artistique » aident les artistes locaux, en situation souvent précaires, à monter leurs projets et à présenter leurs créations à de nouveaux publics tout en favorisant la convivialité. Reportage à Toulouse où ces épuisettes culturelles viennent d’être inaugurées.

C’est une étrange partie de pêche qui débute en cette fin d’hiver toulousain. Au bout d’un petit vestibule tout en longueur, c’est le sourire éclatant de Pauline et de Jessica qui hameçonne les nouveaux arrivants. Car ce soir est un grand soir pour leur association « Comme un poisson dans l’art » : c’est la grande distribution des premières épuisettes culturelles de Toulouse. On connaissait les paniers de fruits et légumes bio distribués par les Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) regroupant des producteurs de la région et des consommateurs voulant promouvoir les filières courtes. Voici désormais les épuisettes culturelles, qui reposent sur le même principe, mais au profit des artistes et musiciens.

De la même manière que les Amap ont été fondées dans l’objectif de relocaliser des consommations, de soutenir l’agriculture de proximité et de nouer du lien entre les producteurs et les consommateurs, les « Associations pour le maintien des alternatives en matière de culture et de création artistique » (Amacca) sont nées de la nécessité de proposer un nouveau modèle économique pour la culture. (...)

Un principe démocratique d’abord : la réappropriation de la culture par les citoyens eux-mêmes par la création de structures démocratiques et participatives. On part du principe que la culture est un bien commun, un espace citoyen de partage, élaboré par les apports de tous et non distribuée d’en haut par des instances discriminantes que ce soit d’un point de vue éducatif, financier ou géographique.

Un principe économique ensuite : En 2003, la loi Aillagon ouvre la possibilité pour les personnes physiques et morales d’être mécène... à condition d’être imposable. (...)

le modèle économique des Amacca est souvent fondé sur le « micromécénat », ce qui leur offre une grande indépendance par rapport aux financements publics et donc à de possibles arbitrages politiques ou financiers en fonction d’aléas électoraux défavorables.
Des paniers culturels comme alternative économique et sociale

Un principe géographique enfin : la territorialité est le fondement de la dynamique des épuisettes culturelles. C’est la rencontre entre les habitants et les artistes qui fonde le territoire commun d’une politique culturelle locale, démocratique et démarchandisée, tout en s’ouvrant sur les possibilités offertes par un réseau national. Comme un poisson dans l’art souhaite ainsi proposer des paniers culturels comme alternative économique et sociale de soutien à la production artistique toulousaine et facteur de lien (...)

Après une soirée de lancement le 27 février dernier, les premières épuisettes sont à retirer par les nouveaux adhérents et les testeurs curieux. (...)

La découverte pour tous les gouts et tous les styles

Chaque épuisette comprend au minimum cinq offres culturelles : des places de spectacle, des cd, des exclusivités, des ateliers et rencontres artistiques, dans tous les domaines. L’idée, c’est la découverte pour tous les gouts et tous les styles. Le pêcheur s’engage pour un an pour une épuisette « solo » (180 €/an) ou une épuisette « duo », en couple ou entre amis (240 €/an), plus 8 euros pour l’adhésion à l’association. Il est possible de payer par trimestre. (...)

Comment les artistes bénéficient-ils des épuisettes ? Ils ne perçoivent pas de rémunération directe au pourcentage, mais une aide financée par les adhésions pour le montage de projets culturels et de communication. Les adhérents font office de levier pour négocier l’accès à des espaces culturels peu enclins à s’ouvrir à des artistes pas encore reconnus. « Avec les Épuisettes, nous faisons logiquement le choix d’accompagner beaucoup d’artistes. Ce saupoudrage des ressources ne permettra pas de les libérer de la contingence de la subsistance. Mais cela leur offre un accompagnement à la production qui s’inscrit dans le temps. Nous pouvons donc financer le disque d’un chanteur ou mettre à la disposition d’une danseuse le réseau nécessaire pour créer une performance ponctuelle et complexe à monter. Nous mutualisons les moyens et nous sommes leur référent en accompagnement de projets. »
Réseau local pour convivialité globale

La contrepartie est donc non financière. Il s’agit davantage de promotion, de visibilité, montage d’évènements, de rencontre avec des publics nouveaux et diversifiés et, aussi, de créer un réseau d’artistes qui leur permettent de sortir de l’isolement. (...)

En 2011 ont eu lieu les rencontres nationales des différentes associations engagées dans le processus de construction des Amacca. La mutualisation des expériences de terrain a permis de formaliser le réseau national, d’élaborer une charte éthique et un kit de démarrage pour tous ceux qui souhaitent s’emparer de ce formidable outil d’émancipation citoyenne. Bien sûr, il reste du chemin à parcourir, des obstacles à franchir. De nouvelles recettes s’inventent chaque jour. Le grand regret du fondateur du mouvement, c’est que pour l’instant, les politiques publiques restent en retrait et continuent largement à soutenir la culture privée et marchandisée.