
Cette année, les plus grands groupes français ont distribué plus de dividendes qu’ils n’ont réalisé de profits. Selon l’Observatoire des multinationales, beaucoup ont aussi été gavés d’aides publiques et ont multiplié les plans sociaux, tout en augmentant leurs PDG.
Créé par l’association Alter-médias, qui édite par ailleurs le site d’information Basta !, l’Observatoire des multinationales produit des études de qualité, qui retiennent l’attention. On en avait déjà pris la mesure lors de la publication d’une étude récente établissant que les groupes du CAC 40 vont distribuer cette année des dividendes supérieurs aux profits engrangés lors du dernier exercice. Une nouvelle étude, élargissant le champ d’analyse à tous les autres aspects des choix faits par ces mêmes groupes, vient compléter l’état des lieux et donne des plus grandes entreprises françaises une image ravageuse. (...)
À l’occasion de la première étude, à laquelle Mediapart avait donné un large écho, l’Observatoire avait établi que les dividendes versés à leurs actionnaires par les groupes du CAC 40 en ce printemps 2021 étaient considérablement plus importants que les profits réalisés lors de l’exercice 2020. L’étude établissait que le montant des dividendes versés en pleine crise sanitaire présentait un caractère historique. (...)
Et l’étude poursuivait : « Globalement, le CAC 40 a réalisé des bénéfices cumulés de 36,9 milliards en 2020, soit un effondrement de 55 % par rapport à 2019. Rapporté aux dividendes versés, cela signifie que les grands groupes français ont distribué aux actionnaires l’équivalent de 140 % de leurs profits annuels. Autrement dit, ils ont reversé aux actionnaires 100 % de leurs profits, et puisé dans leur trésorerie pour verser les 40 % restants. » (...)
Dans la nouvelle étude, publiée ce mercredi 26 mai, l’Observatoire des multinationales dresse un bilan beaucoup plus large de l’activité du CAC 40. Il publie donc les mêmes chiffres sur les dividendes et les profits des plus grandes entreprises, mais il y agrège de nombreuses autres données sur les aides publiques dont ont profité ces mêmes groupes, les plans sociaux qu’ils n’en ont pas moins décidé de mettre en œuvre, et les rémunérations toujours colossales qui n’en ont pas moins été servies à leurs mandataires sociaux.
À travers toutes ces statistiques, c’est donc un bilan ravageur du capitalisme français qui transparaît, des grands groupes qui en sont la colonne vertébrale – et, au passage, de la politique économique et sociale conduite par le gouvernement en leur faveur. (...)
L’Observatoire des multinationales dresse aussi le bilan le plus précis possible des suppressions d’emplois décidées par les groupes du CAC 40 depuis le printemps 2020 et relève que beaucoup d’entre eux sont ceux qui ont bénéficié des financements publics ou qui ont versé des dividendes. (...)
L’Observatoire des multinationales dresse enfin un bilan accablant des rémunérations des grands patrons durant cette crise sanitaire. Accablant parce que si les Français se sont serré la ceinture, beaucoup de PDG du CAC 40 ont vu leurs rémunérations exploser au cours du dernier exercice ou rester à des niveaux indécents (...)
Entrant dans le détail de ces rémunérations, l’étude établit avec précision la liste des quelques rares grands patrons qui ont fait un effort de modération et celle de ceux qui ont continué de vivre sur un grand pied. Elle pointe en particulier deux groupes, Kering et Téléperformance, qui apparaissent comme « les champions des inégalités », avec des PDG rémunérés respectivement 19 et 17 millions d’euros en 2020. (...)
L’étude souligne une autre hypocrisie de 7 grands patrons qui en 2020, lors du premier confinement, avaient suggéré qu’ils seraient solidaires des Français et qu’ils réduiraient leurs rémunérations, mais qui en réalité n’en ont rien fait (...)
En bref, le CAC 40 a été très largement insensible à la crise – pas ses salariés, mais ses actionnaires et ses PDG. On s’en doutait de longue date, mais tous ces chiffres, pour le moins bienvenus, le confirment de manière irréfutable.