
Avec la Quadrature du Net, une association qu’il a cofondé, Félix Tréguer milite pour une régulation d’internet respectueuse des libertés individuelles. Interview.
Félix Tréguer participera au débat « Tous épiés ? » du forum « Libertés chéries » samedi 7 novembre de 14h à 15h30 à la Gaîté lyrique.
Vous êtes le cofondateur de La Quadrature du Net, quel est l’objectif de cette association ?
C’est une association citoyenne fondée en 2008 pour protéger les libertés fondamentales sur internet, dans un contexte politique où, à l’époque, beaucoup de projets visaient à restreindre la liberté d’expression, à remettre en cause la vie privée ou les questions de droit d’auteur. On s’engage au niveau français et européen dans les débats politiques et juridiques sur les questions de régulation d’internet et tout ce qui touche au respect des libertés individuelles.
Vous considérez donc que les libertés individuelles sur internet sont menacées ?
Oui, les libertés individuelles sont largement menacées sur internet, c’est quelque chose de largement admis aujourd’hui vu les controverses qui agitent le débat public depuis 2010. L’affaire Snowden, qui a mis en lumière ces systèmes de surveillance massive mis en place par les services de renseignement occidentaux montre bien que les libertés individuelles sur internet sont mises en cause de toutes parts. (...)
Contrairement à ce que tentent de faire croire certaines personnes très enclines à restreindre les libertés, internet n’est pas une zone de non-droit. Il y a des règles qui s’appliquent et les Etats sont parfaitement en capacité d’y faire appliquer le droit. Comme dans l’espace public, il y a toujours moyen de contourner ces contraintes légales mais pour l’immense majorité des utilisateurs d’internet, le droit s’applique. Il faut légiférer et mettre en place des règles spécifiques mais respectueuses des libertés et des droits de l’homme. Il ne s’agit pas d’être dans une configuration complètement libertaire. (...)
Vous vous êtes élevé contre la loi sur le renseignement, qu’est-ce que vous lui reprochez ?
Globalement, c’est la reproduction du modèle qu’est celui de la NSA et de ses alliés dans les pays anglo-saxons. Un système de surveillance à très grande échelle, où l’on donne le feu vert aux services de renseignement pour intervenir à la fois sur les questions d’anti-terrorisme, d’espionnage économique, de mouvement sociaux… Cela rompt avec le principe d’une surveillance ciblée et encadrée pour glisser sur un système de grande échelle qui représente un danger immense pour la santé démocratique de nos régimes politiques.
Qu’avez-vous à répondre à ceux qui disent, « je n’ai rien à cacher » ?
C’est une conception très individualiste des droits et de la démocratie en général. Edward Snowden a très bien formulé ce que l’on peut opposer à ce type de raisonnement. Il a dit : « Répondre je n’ai rien à cacher en matière de vie privée revient à affirmer que l’on se fiche de la liberté d’expression parce que l’on a rien à dire ». (...)
La vie privée et la confidentialité des communications, elle ne vaut pas que pour ceux qui n’ont rien à cacher. Elle vaut aussi pour les journalistes qui communiquent avec leurs sources, pour les avocats qui défendent leurs clients, pour les militants politiques… Tout un tas de gens qui font que l’on vit dans une démocratie et pas dans un régime complètement autoritaire.