
Il fut un temps, pas si lointain, où TF1 était perçue par beaucoup comme LA voix de la police, multipliant les sujets d’ordre sécuritaire et relayant systématiquement le point de vue des forces de l’ordre. Force est de constater aujourd’hui que la première chaîne n’a plus (si elle l’a jamais eu) l’apanage de cette position, tant les reportages tournés aux côtés de brigades de police ou de gendarmerie ont envahi le petit écran. Un article intitulé « Pourquoi les flics jouent le jeu de la télé », paru dans TV Magazine [1] du 25 mai 2014, nous en dit un peu plus sur ce phénomène… sans jamais le remettre en cause.
Sur l’omniprésence de ces reportages, d’abord. Le journaliste fait le constat – enthousiaste – qu’il « ne s’écoule pas une semaine sans qu’une chaîne de télé ne nous propose de suivre une brigade de police ou de gendarmerie ». Mais on découvre vite qu’il s’agit bien plus de quelques émissions hebdomadaires, comme la phrase précédemment citée pourrait le laisser croire. On apprend en effet que la police reçoit « plus de deux mille demandes de reportage en tout genre chaque année », et la gendarmerie « près de mille deux cents dossiers émanant de sociétés de production et de journalistes. Environ 60 % des demandes reçoivent une réponse favorable des deux autorités », nous est-il également précisé. Un rapide calcul nous amène donc au chiffre faramineux de 1920 reportages et documentaires tournés chaque année auprès des forces de l’ordre, soit plus de… cinq par jour !
Mais c’est surtout sur l’aspect qualitatif du rapport entre les médias et les autorités que cet article mérite notre attention. Tout est dit dans le sous-titre : « Le petit écran est devenu un outil de communication pour la police et la gendarmerie »…
Un outil de communication utile : « Il est important de montrer tout ce qui met en valeur notre expertise et notre intégrité », explique un commissaire. Un outil de communication fiable : « gendarmes, policiers et sociétés de production travaillent d’abord dans la confiance ». Un outil de communication docile, même : « Il ne suffit pas de recevoir un oui [à la demande de reportage] pour tourner ce qu’on veut », indique l’auteur du papier. « Par exemple, gendarmes comme policiers ne tiennent pas vraiment à ce que l’on ne diffuse que des reportages de ce qu’ils nomment la police “pin-pon” : (…) peu d’images intéressantes (…). Pas d’intérêt ».
L’intérêt dont il est question ici n’étant aucunement, on l’aura compris, celui des téléspectateurs, mais bien celui des forces de l’ordre. Et pour que cet intérêt soit garanti, les brigadiers s’improvisent même scénaristes (...)
Des reportages sur la police et la gendarmerie qui ont littéralement submergé les chaînes de télévision ; des équipes de journalistes qui se comportent comme les services comm’ des forces de l’ordre ; un magazine télé, propriété de Dassault, qui, loin de s’offusquer du phénomène, semble au contraire s’en enthousiasmer… Rien de tout cela, finalement, ne devrait nous surprendre : il suffit de zapper n’importe quel soir sur la TNT pour en faire l’expérience. Mais c’est précisément cette banalisation qui pose question (...)