
Le bras de fer engagé depuis des années entre l’Etat et le conseil général de la Seine Saint-Denis autour du sort à réserver aux enfants étrangers non accompagnés qui tous les jours arrivent à Roissy ou sont trouvés en errance est entré dans sa phase « armée ».
Comme il l’avait menacé au début de l’été dans un courrier adressé au Garde des Sceaux, le Conseil Général se refuse depuis le 1 er septembre à accueillir les enfants qui lui sont confiés par la justice ou qui se présentent à ses services. Il estime que l’Etat en refusant de supporter le poids financier de l’aide apportée à ces enfants contribue à « plomber » les finances de la collectivité territoriale ; surtout il vit mal le sentiment d’être abandonné pour gérer un problème qui est national et non pas séquanodionysien.
(...) Pour l’ensemble du territoire national on évalue à 5- 000 ces enfants qui arrivent ainsi chaque année. Bien évidemment, ce phénomène qui va en croissant et a pris une importance majeure depuis le début des années 2000, ne concerne pas que la France. L’Europe à des échelons divers comme l’Amérique du Nord ou l’Australie sont confrontées au problème posé par ces « enfants non accompagnés ». (...)
Ces jeunes avides d’apprendre pour travailler au plus vite vivent une aventure personnelle souvent difficile mais au fond posent moins de problèmes éducatifs qu’administratifs (...)
Les services sociaux déjà déroutés par ce travail spécifique à entreprendre ne sont jamais assurés de parvenir à régulariser ces jeunes pour lesquels ils se seront investis. Tout bonnement les structures sinon les départements susceptibles de les accueillir par-delà leur majorité se réduisent comme peau de chagrin. (...)
Bref, les mineurs étrangers isolés mobilisent beaucoup d’énergie, appellent des compétences spécifiques, amènent à faire un travail d’autant plus ingrat que la communication avec eux est souvent limitée, la barrière de la langue n’expliquant pas tout. Par-delà la langue ces enfants ne livrent pas tout de leur histoire ; ils sont dans une obligation de loyauté à l’égard de leur famille, sinon de discretion à l’égard des passeurs professionnels qui n’hésitent pas à user de la menace, voire de la violence.
(...)
Confronté à un fort mouvement de contestation au sein de son administration sociale, constatant la charge toujours croissante qui embolise singulièrement sa capacité à venir en aide aux enfants en danger déjà présents sur son territoire en début d’année 2011 le Conseil général avait décidé de réagir très fort.
A défaut d’avoir reçu une réponse à son dernier courrier, il a tenu parole en cette rentrée. Il a ainsi refusé un jeune confié par le juge pour enfants de permanence. Ce jeune qui, par ailleurs, était dans un état particulièrement préoccupant a été confié en catastrophe par le procureur de la République à un foyer de la PJJ, donc à une structure publique relevant du ministère de la justice. (...)
La Chancellerie informée a immédiatement contre-attaqué en demandant à son service éducatif installé au tribunal de ne plus prêter la main à ce que des enfants non délinquants soient ainsi confiés à des structures PJJ. Elle est même allée jusqu’à lui interdire de faire la moindre recherche d’informations ou démarches au bénéfice des magistrats en charge de ces situations. Elle n’hésite pas à dire dans son écrit pour que les choses soient claires que la PJJ n’a pas vocation à intervenir pour des enfants en danger !
Faute d’avoir pu se mettre autour d’une table pour traiter le problème qui leur est commun avec un responsable politique de l’Etat et adopter sous son autorité les réponses qui s’imposent, réponses avancées par de nombreux rapports officiels dont le rapport Landrieu de 2004 et le rapport d’Isabelle Debré de 2010, on se trouve ainsi dans une position intenable. (...)
Qu’on en juge !
Un président de conseil général qui refuse d’’exercer les mandats donnés par les magistrats – procureur et juge des enfants – dans le champ de la protection de l’enfance alors qu’il s‘est vu rappelé en 2007, à sa demande, qu’il est le chef de file de la protection de l’enfance.
Un ministre de la justice qui demande à son administration de ne plus répondre aux mandats donnés par ses propres magistrats sachant qu’il s’est vu qualifié en 2011 de chef de file sur le dispositif de réponse aux mineurs étrangers isolés. Le chef de file refuse de mettre la main à la pâte, et tout simplement d’apporter des informations utiles aux magistrats pour protéger des enfants tenus pour être en danger pour des enfants !
Si on pousse à l’extrême, dans l’hypothèse – ce que personne ne souhaite affirmons le très fort – un drame surviendrait – une jeune fille violentée, des gamins retrouvés dans les ateliers clandestins ou dans un squat vivant des choses délicates – le parquet aurait le choix entre faire mettre en garde à vue le président du conseil général ou le directeur territorial de la PJJ pour mise en danger d’un enfant ! Le " 20 h" assuré !
Tout cela est absurde et ne peut pas durer. (...)
On en est rendu à un point absurde aujourd’hui où chacun viole la loi.
(...) Wikio