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Les murs frontaliers se multiplient à travers le monde
Article mis en ligne le 18 mars 2021

Le monde a plus de murs frontaliers que jamais, affirme un rapport co-rédigé par trois centres de recherche européens indépendants. La tendance contemporaine serait même à "l’emmurement du monde", selon Damien Simonneau, chercheur au Collège de France et auteur de L’Obsession du mur.

De six en 1989, nous sommes passés à près de 63 murs physiques aujourd’hui, selon un rapport de novembre 2020, co-rédigé par le think-tank néerlandais Transnational Institute, le Centre Delàs d’Estudis per la Pau de Barcelone et le groupe allemand Stop Wapenhandel.

Ces deux dernières décennies ont même été particulièrement prolixes en murs et autres clôtures électrifiées. Mais alors que le Mur de Berlin avait pour vocation d’empêcher les habitants du bloc de l’Est de fuir, ces nouveaux murs servent davantage à en empêcher d’autres d’entrer.

"Murer et militariser sa frontière est devenu très commun, explique Damien Simonneau, chercheur au Collège de France et auteur de L’Obsession du mur. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la frontière est associée à une idée de sécurité et de contrôle, ce qui n’était pas le cas auparavant."

Près de 60% de la population mondiale vit dans un pays ayant muré ses frontières, le plus souvent pour lutter contre le terrorisme, la contrebande ou l’immigration non autorisée.
Murs anti-migrants

L’Union européenne n’est pas en reste. A contrario de l’image d’ouverture véhiculée par la libre circulation permise par les accords de Schengen, 1 000 kilomètres de murs ont été construits le long de ses frontières durant ces vingt dernières années, principalement pour lutter contre l’immigration non autorisée.

"L’érection de murs met en scène un État fort qui contrôle ses frontières et son territoire, estime Damien Simonneau. Cela vise avant tout à répondre aux angoisses des citoyens et à faire fructifier certains acteurs politiques." (...)

Pourtant, selon Damien Simonneau, "l’érection de murs contre l’immigration s’inscrit davantage dans des spectacles politiques que dans l’enjeu de contrôler les mobilités. Plutôt que de réduire les migrations, la construction d’un mur amène surtout à les déplacer." (...)

Compliqué en effet d’estimer l’impact réel de ces murs sur l’immigration non autorisée. Privés de voies d’accès terrestres, les migrants prennent dorénavant la mer pour atteindre l’Europe, avec les effets dramatiques que l’on connaît. Aux États-Unis, la fermeture de la frontière avec le Mexique a poussé les Sud-Américains vers les zones désertiques de l’Arizona, rendant le parcours migratoire plus dangereux et plus mortel, mais pas nécessairement plus rare.

Les images des migrants escaladant les barbelés de Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles au nord du Maroc, marquent ainsi par leur violence et par leur répétition. "Les murs sont des réponses de court-terme, des placebos, ajoute Damien Simonneau. Ils ne résolvent pas les causes politiques qui poussent à la migration, au terrorisme ou à la contrebande, mais se contentent simplement de les repousser." (...)

L’érection de murs pourrait aussi créer davantage de violence, favorisant parfois des comportements en contradiction avec le droit national et international (...)

Des murs en héritage de conflits enlisés

D’autres murs sont construits sur des zones de conflit. Érigés pour limiter les mobilités et séparer les belligérants, ils témoignent pour la plupart de "l’enlisement" de la situation, selon Damien Simonneau.

À Chypre comme à Belfast, en Irlande du Nord, ils ont survécu au conflit armé, éteint depuis des dizaines d’années. Ils marquent alors, selon le chercheur, le "gel des tensions et l’absence d’un processus diplomatique", pouvant aboutir à une solution plus pérenne entre les deux parties. (...)

La construction de murs semble donc un commerce d’avenir. En 2009, la militarisation de la frontière entre l’Arabie Saoudite et l’Irak s’était révélée un juteux contrat pour l’entreprise franco-allemande EADS. En 2018, un rapport du Transnational Institute évaluait ainsi le marché international de la sécurité aux frontières à 17,5 milliards d’euros et lui prédisait une croissance d’au moins 8% dans les années à venir. Annoncé en février dernier, le projet d’un nouveau mur entre Haïti et la République Dominicaine est loin de le contredire.