
(...) L’Irak fait partie des pays qui ont reçu peu de soutien pour répondre à la crise humanitaire. Seulement un tiers des fonds nécessaires ont été versés par les bailleurs de fonds. Les Nations Unies ont donc été contraintes de réduire leur aide aux 3,1 millions de personnes déplacées dans le pays : les colis alimentaires sont plus petits et des programmes d’action communautaire ont été abandonnés.
Les organisations locales, comme celle d’Hajji, essayent de combler les manques et portent un fardeau plus lourd encore. Les collectes de fonds réalisées pendant le ramadan leur ont permis d’avoir le nécessaire pour célébrer l’Aïd, mais elles aussi sont confrontées à des pénuries, notamment parce que les aides allouées par les Nations Unies vont principalement aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères. (...)
Crise économique
La baisse des prix du pétrole et les coûts de la lutte contre l’EI ont fait plonger le pays dans la crise économique. Bon nombre d’habitants de la région du Kurdistan n’ont plus les moyens de faire preuve de générosité envers les pauvres.
« Les gens sont généreux et font preuve de bonté envers ceux qui souffrent. Mais la situation économique est très mauvaise », explique Ghassan Youssuf, un pasteur de l’église évangélique du messager d’Ainkawa, à Erbil, qui vient en aide aux déplacés.
M. Youssuf dit que la montée du chômage et le non-paiement par le gouvernement des salaires des fonctionnaires – cela fait trois mois que sa femme n’a pas été payée – sont les principaux problèmes.
« Cela concerne les personnes qui veulent offrir de l’aide. Avant l’EI, la situation économique était bonne. Nous envoyions même de l’argent en Syrie pour aider les gens ! Aujourd’hui, certains membres de notre congrégation ont des besoins importants ».
Une étude de la Banque mondiale rendue publique en février a prévenu que le taux de pauvreté était passé de 3,5 pour cent en 2012 à 8,1 pour cent en 2014 dans la région du Kurdistan ; l’économie a reculé de 5 pour cent en 2014. Les bailleurs de fonds privés de la région, y compris les compagnies pétrolières et les entreprises, ont donc décidé de réduire leurs dons. (...)
Une solution locale et à long terme
La crise du déplacement a débuté il y a plus d’un an et les acteurs humanitaires savent qu’une solution à long terme nécessite d’apporter un soutien accru aux ONG locales.
« La crise ne va pas s’arrêter de sitôt. Il est donc essentiel de développer les capacités des ONG nationales pour assurer l’avenir de cette réponse », explique Craig Anderson, coordinateur administratif par intérim du Comité de coordination des ONG en Irak (ONG Coordination Committee for Iraq).
Mais les progrès sont lents. Si les ONG nationales ont été félicitées pour le travail qu’elles ont mené en première ligne, les acteurs humanitaires reconnaissent en privé que les actions entreprises pour renforcer les ONG locales et les intégrer aux niveaux supérieurs ont été insuffisantes. (...)
Ce serait « une véritable catastrophe » si de nouvelles coupes étaient opérées sur le front du financement international, dit Nizar Jamil Abdulazeez, directeur des programmes de l’organisation PAO.
Sans financements internationaux et sans expertise, les tensions entre les Kurdes et les Arabes s’amplifieront, explique M. Abdulazeez. Il dessine le logo « pas d’Arabes » affiché dans certaines boutiques et soupire. « Il semble y avoir une montée de la haine contre les déplacés ».