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Rue 89 / Nouvel Observateur
Les rebelles chiites à Sanaa : pour comprendre ce qui se joue au Yémen
Article mis en ligne le 22 septembre 2014

Dans l’antiquité, le Yémen était surnommé l’« Arabie heureuse ». Cette époque est depuis longtemps révolue, et la prise de Sanaa, la capitale, dimanche par les rebelles chiites, qui ont imposé la signature d’un accord politique, n’est pas gage de retour à une stabilité qu’il n’a guère connue par le passé.

De fait, le Yémen, la « révolution oubliée » de la vague des Printemps arabes, concentre la plupart des contradictions explosives du monde arabe :

 fracture religieuse entre une minorité issue du chiisme et une majorité sunnite ;
 structure tribale très forte ;
 rivalité des grandes puissances régionales – Arabie saoudite et Iran principalement ;
 sous-développement (le Yémen fait partie des pays les moins avancés) (...)

Dans un pays qui compte environ quatre armes par habitant en moyenne, les affrontements tribaux, religieux ou politiques prennent vite un tour violent. Le Yémen a connu plusieurs guerres civiles, des interventions étrangères, l’émergence d’une branche locale d’Al Qaeda, un terrorisme suscitant un contre-terrorisme appuyé par les Américains, un soulèvement chiite... (...)

Les contradictions yéménites n’ont pas disparu, et la cohabitation des contraires risque d’être difficile, en l’absence de structures d’Etat fortes.

De passage à Paris début septembre, Tawakkol Karman, personnalité marquante de la « révolution yéménite » de 2011 et prix Nobel de la paix, membre (éclairée) du parti islamiste Al-Islah, mettait en garde contre les « contre révolutions ». (...)

Les forces en présence

Qui sont les rebelles « houthistes » ?
Les « Houthistes » se rattachent à un clan tribal du nord du Yémen, rattachés à l’école théologique Zaïdite, une branche du chiisme. Leur branche armée porte le nom de : Ansar Allah, les partisans d’Allah.

Le Zaïdisme regroupe environ un tiers de la population totale du Yémen. Le site spécialisé OrientXXI.info rappelle que l’opposition entre les Zaïdites du nord, et les sunnites de la branche chaféite du sud « a historiquement joué un grand rôle et c’est bien l’imamat zaïdite qui a dirigé tout ou partie du Yémen du Nord pendant plus d’un millénaire, jusqu’à la révolution républicaine de 1962, alors que le Sud, où résident un quart environ des Yéménites, était peuplé de façon exclusive de chaféites ». (...)

face, le principal mouvement sunnite est le parti Al-Islah (Rassemblement yéménite pour la réforme), considéré comme la branche yéménite de la Confrérie des Frères musulmans.

Soutenu activement par l’Arabie saoudite et le Qatar, le parti a joué un rôle important dans le mouvement révolutionnaire de 2011 qui a conduit au départ du Président Saleh après un long règne de 33 ans.

Le chercheur Laurent Bonnefoy, spécialiste de la péninsule arabique, souligne sur OrientXXI.info que, depuis 2011, « le leadership d’Al-Islah a adopté une démarche prudente ». Il développe :

« Les ressources et la légitimité accumulées au cours du processus révolutionnaire n’ont guère été dilapidées.

A aucun moment, le mouvement n’a souhaité apparaître en première ligne : le Premier ministre du gouvernement d’unité nationale est issu du rang des indépendants, Al-Islah n’a pas exigé de ministère “régalien” et, au sein du Forum commun, des figures issues de formations plus marginales ont été valorisées.

Le parti s’est également le plus souvent fait le champion de la légitimité de l’accord de transition, n’appelant pas à des élections générales et se révélant rapidement un soutien privilégié du nouveau président Abd Rabbo Mansour Hadi, pourtant issu des rangs du même parti que Saleh. »

Néanmoins, il ajoute que, parmi les nostalgiques de l’ancien régime, « Al-Islah s’est vu accuser d’avoir “confisqué” la révolution [PDF] mais aussi d’avoir mis en place une stratégie d’entrisme dans l’appareil militaire et la fonction publique ». (...)

est également confronté à la surenchère d’un parti salafiste, et surtout d’AQPA, la branche régionale d’Al Qaeda dans la péninsule arabique, active au Yémen et en Arabie saoudite.

Les djihadistes d’AQPA ne sont pas partie prenante dans le processus politique à Sanaa, contrairement aux autres forces, et demeurent une menace sécuritaire que les attaques de drones américains n’a pas réellement entamée.

Entente fragile

En prenant de fait le contrôle de points stratégiques de Sanaa, les rebelles houthistes se sont placés en position de force. Ils ont profité de leur avantage pour forcer le pouvoir à signer un accord politique qui leur donne voix au chapitre.

Reste à savoir combien de temps durera ce nouvel équilibre. (...)