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Les salariés de la pizzeria La Mamma en ont assez de se faire rouler dans la farine
/A l’abordage
Article mis en ligne le 7 octobre 2015

La patronne de la pizzeria La Mamma, à Paris, n’aurait jamais dû fermer son restaurant quinze jours en août : ses cinq salariés, algériens et tunisiens sans papiers, en ont profité pour aller voir la CGT ! Depuis le 1er octobre, ils occupent le restaurant. Ils veulent que leur patronne déclare la totalité de leurs heures de travail et soutienne leur demande de régularisation.

Habituellement, la pizzeria La Mamma est ouverte sept jours sur sept. Dans ce restaurant proche de la gare Montparnasse, à Paris, les salariés travaillent six, voire sept jours par semaine. Tunisiens et Algériens, ils sont tous sans-papiers. En août, la direction a décidé de fermer pendant quinze jours pour travaux.

Grâce à cette fermeture, Hassen, 26 ans, qui travaille ici comme serveur, a enfin pu se rendre à la permanence « Travailleurs sans papiers » de la CGT Paris, qui a lieu tous les lundis à l’union locale du XIXème arrondissement. Comme plusieurs de ses collègues, il avait demandé à plusieurs reprises à sa patronne, Soheila Mohebbi, de remplir le formulaire nécessaire à une demande de régularisation.

Elle avait refusé, pour lui comme pour les autres. Il lui avait aussi demandé plusieurs fois d’être déclaré pour l’ensemble des heures qu’il effectuait. « Elle me répondait qu’elle ne pouvait pas, que ça ferait trop de charges. » Face aux refus répétés, il parvient à convaincre ses collègues : ils décident d’occuper leur entreprise pour obtenir leur régularisation, une mise en conformité de leurs fiches de paie et une révision de leurs contrats de travail. « On veut continuer notre travail, qu’elle nous déclare normalement, avoir nos congés normalement », explique Hassen. (...)

Ibrahim, porte-parole du collectif en lutte depuis le 10 juin, expliquait ainsi : « On a constitué un collectif de travailleurs sans papiers pour obtenir la régularisation en partant sur des bases de solidarité entre nous. Là, on a entendu que Paris mène une bagarre avec la restauration. Alors on est venu les soutenir. » À 11h30, avant l’arrivée des premiers clients, c’est ce groupe qui est entré dans le restaurant, avec banderoles, autocollants et drapeaux de la CGT(...).

Restaurant de la Grande Armée, Chez Papa, Veolia, Quick… à partir de 2007, les enseignes sont nombreuses à être concernées par des grèves de salariés sans papiers qui travaillent ici depuis des années, en CDI, possèdent des feuilles de paie, et à qui il ne manque qu’un papier : une carte de séjour en règle. Des occupations ont aussi lieu dans des entreprises du nettoyage, du BTP. En avril 2008, ce sont 300 travailleurs qui se mettent en grève simultanément dans seize entreprises de la région parisienne. Ces grèves mettent en lumière le fait que ces travailleurs occupent des emplois dits « non-qualifiés », mais le fait qu’ils y demeurent par obligation leur confère paradoxalement une expérience professionnelle dont d’autres salariés, plus mobiles, ne disposent pas. La revendication unique est un soutien de l’employeur à la régularisation.

Le rapport de force permet d’obtenir des régularisations. Mais dès que les occupations cessent, le robinet des régularisations se tarit (...)

il aura fallu l’an dernier pas moins de 10 mois d’occupation aux 18 coiffeuses sans papiers du 57 boulevard de Strasbourg à Paris pour obtenir une autorisation provisoire au séjour leur permettant d’être embauchées légalement. Ces femmes récemment arrivées en France étaient employées sans contrat, en dehors de tout cadre légal. Elles avaient pris contact avec la CGT Paris parce qu’elles n’étaient pas payées. Elles voulaient donc au départ simplement pouvoir toucher le salaire annoncé par le gérant du salon. C’est chemin faisant que la revendication d’une régularisation a vu le jour.

C’est aussi pour mettre un terme à leur situation de travail dissimulé que les employés de La Mamma ont pris contact avec le syndicat. Le premier communiqué de la CGT concernant l’occupation de la pizzeria « exige la régularisation des salariés sans-papiers, le respect du droit du travail pour tous, l’ouverture de discussions avec le ministère du Travail pour la régularisation des salariés sans-papiers contraints au travail dissimulé, l’égalité des droits entre salariés, qu’ils soient français ou étrangers ! »

Quant aux intérimaires du collectif des Yvelines, venus soutenir les grévistes de la pizzeria, ils continuent à élargir leur champ d’action. Tout en menant des négociations avec la préfecture des Yvelines, Adecco, Randstadt et Manpower pour la régularisation de ses membres, le collectif a étendu son action aux secteurs du nettoyage, en se rendant le 3 septembre à la Fédération des entreprises de propreté (FEP), à Villejuif (Val-de-Marne). Depuis le 1eroctobre, il s’attaque désormais au secteur de la restauration. Son porte-parole, Ibrahim, explique : « On va contacter les syndicats du patronat de la restauration. Si vous ne voulez pas qu’il y ait de grèves, il faut régulariser. On va tout doucement vers le travail au noir. (...)

Devant la pizzeria, la banderole héritée des coiffeuses du 57 boulevard de Strasbourg barre la vitrine : « Nous sommes des travailleurs-ses de France. Traite des êtres humains, travail dissimulé, exploitation… ça suffit ! »