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Les travailleurs humanitaires locaux aux premières lignes du conflit sud-soudanais
Article mis en ligne le 23 mai 2017

Dès qu’elle a entendu les balles siffler dans l’air, la jeune travailleuse humanitaire a su que la guerre civile l’avait rattrapée. « [Il y avait] des balles partout. Des tirs nourris et trois morts — un enfant, une femme enceinte et un homme », a dit Stéphanie, dont le prénom a été changé pour protéger son identité.

La jeune femme de 26 ans originaire de la ville de Kajo Keji, dans le centre-sud du pays, travaillait pour une organisation d’aide humanitaire locale qui n’avait pas les moyens de coordonner ou de payer l’évacuation rapide de ses employés.

Avec l’aide d’autres employés sur le terrain, Stéphanie a dû élaborer son propre plan d’évacuation. Elle a traversé la rivière en bateau pour atteindre l’Éthiopie, puis a loué une voiture pour se rendre jusqu’à Gambella. Une fois à Gambella, elle a acheté un billet d’avion pour rentrer à Juba, la capitale sud-soudanaise, une ville relativement sûre. (...)

Des cibles faciles

Les humanitaires s’exposent régulièrement au danger. Dans les circonstances les plus difficiles, les organisations leur fournissent une aide. Mais personne ne risque autant que les employés nationaux.

Selon les plus récentes données de l’Aid Worker Security Database, 80 pour cent des quelque 208 travailleurs humanitaires tués, kidnappés ou gravement blessés dans le monde en 2016 étaient des employés locaux.

L’an dernier, le Soudan du Sud a détrôné l’Afghanistan dans le classement des pays qui enregistrent le plus grand nombre d’attaques contre les travailleurs humanitaires. (...)

Le mois de mars a été le pire jusqu’à présent pour les humanitaires. Six travailleurs humanitaires et leur chauffeur ont été tués dans une embuscade à Pibor, dans l’est du pays. Quatre des victimes étaient des employés nationaux et toutes faisaient partie de la Grassroots Empowerment and Development Organisation (GREDO), qui est un partenaire de l’UNICEF.

Ces meurtres n’ont pas donné lieu à des poursuites, mais les factions belligérantes se sont empressées de s’accuser l’une l’autre. (...)

Problèmes d’accès

Les besoins humanitaires sont immenses au Soudan du Sud. En raison de la guerre civile acharnée qui oppose les forces loyales au président Salva Kiir et les partisans de l’ancien vice-président Riek Machar, 5,8 millions de personnes ont besoin d’aide, environ 3,6 millions d’habitants ont été forcés de quitter leur foyer et la famine a été déclarée dans certaines régions de l’État d’Unity.

La prolifération des groupes armés entrave par ailleurs l’accès humanitaire et la distribution de l’aide. (...)

« À cause des affrontements, de l’insécurité et des refus d’accès, les humanitaires rencontrent des difficultés récurrentes pour fournir une aide aux personnes qui en ont cruellement besoin », a expliqué M. Ridley. « Des travailleurs continuent d’être tués, blessés et harcelés dans l’ensemble du pays et des installations et des fournitures humanitaires sont régulièrement pillées et saccagées. »

Les soldats et les rebelles ont mis en place des postes de contrôle, ce qui rend les déplacements par la route risqués, tant à cause de l’insécurité que des pots-de-vin exigés. Il est en outre impossible de naviguer sur le Nil en raison de la forte présence de groupes armés sur ses rives boisées. Les vols nolisés par les Nations Unies sont donc la seule option sécuritaire pour acheminer l’aide et amener le personnel humanitaire dans les régions isolées. Or les organisations nationales, plus petites, ne peuvent pas toujours se permettre ce genre de dépense. (...)

Dans quel camp êtes-vous ?

Selon M. Ridley, d’OCHA, les bailleurs de fonds ne sont pas particulièrement disposés à donner directement aux ONG nationales. « Les ONG nationales sont en première ligne de l’intervention humanitaire au Soudan du Sud. Elles sont donc confrontées à de multiples difficultés, et notamment à des menaces et à du harcèlement de la part des belligérants », a-t-il dit. « Avec la propagation et l’aggravation du conflit, les ONG [nationales] se voient accusées de partialité, à cause de leurs supposées affiliations politiques ou allégeances liées à l’ethnicité », a dit M. Ridley.

En raison de la dimension ethnique du conflit, tous les humanitaires sud-soudanais s’exposent à des risques, qu’ils travaillent pour une petite ONG locale ou au sein d’une grosse organisation internationale. On considère généralement que le gouvernement et son armée sont dominés par l’ethnie Dinka et que les rebelles sont essentiellement des Nuer. En réalité, toutefois, la majeure partie du territoire du Soudan du Sud est désormais occupé par une mosaïque de milices ethniques. (...)

« Les locaux doivent surmonter des difficultés liées à l’appartenance à une ethnie ou à une tribu. Leurs propres familles sont en outre affectées par le conflit. Ce sont des gens héroïques, résilients », a dit Perry Mansfield, directeur pays pour Word Vision. « C’est le personnel national qui maintient le pays en vie. » (...)

Le Soudan du Sud compte près de 200 organisations — des groupes communautaires, des ONG nationales et internationales et des agences des Nations Unies, entre autres — qui mettent en œuvre des programmes d’urgence sur le terrain. (...)