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Lettre à René Girard sur le 11 septembre 2001
par Luc-Laurent Salvador samedi 14 septembre 2013
Article mis en ligne le 14 septembre 2013

Quand j’ai questionné René Girard sur la possibilité que des mythes apparaissent encore à l’époque actuelle et « fonctionnent » en dépit de la révélation néotestamentaire, il m’a demandé de lui redonner mon argumentation par écrit. Il en a résulté une longue lettre que je lui ai adressée début 2009. (...) Le texte qui suit constitue tout à la fois une introduction et un résumé mais sert aussi de postface à la lettre en question.

Il existe deux versions des évènements du 11 septembre : la V.O et la version (multiple) des truthers.

La V.O. peut être perçue comme un mythe actuel car il s’agit d’une représentation officielle largement partagée qui porte des accusations à l’encontre de Ben Laden sans aucun élément de preuve, ainsi que le FBI l’a reconnu.

Ben Laden pourrait donc être ici un « bouc émissaire », un accusé à tort pour les besoins de la cause [1].

Vu le caractère central du mécanisme du « bouc émissaire » dans l’anthropologie de René Girard, il est évident qu’une telle possibilité DEVAIT être évoquée dans les interprétations girardiennes du 11 septembre. Or, elle ne l’a pas été, Ben Laden y est constamment apparu comme toujours-déjà coupable. Toute la question est de savoir pourquoi.

Ce qui pose problème, ce n’est pas que les penseurs girardiens aient apporté leur soutien à la V.O., c’est qu’ils l’aient fait sans la discuter, sans la remettre en cause, c’est-à-dire, sans envisager que les accusés puissent être innocents des crimes dont on les accusait alors que tant d’éléments montraient l’incohérence de la V.O et l’inanité de son storytelling.

Avec n’importe qui d’autre, on ne pourrait pointer que l’absence du thème du « bouc émissaire », mais avec les girardiens, force est de conclure à un silence de leur part.

Ce dernier pourrait s’expliquer par le fait qu’il n’existait pas et qu’il n’existe toujours pas d’argumentation qui permette d’écarter à coup sûr l’hypothèse d’un mécanisme de bouc émissaire concernant le 11 septembre. Dès lors, aborder ce thème par simple honnêteté intellectuelle eût été comme ouvrir une boîte de Pandore.

Vu le niveau des pressions et des répressions qui ont prévalu autour de la question du 11 septembre, il ne serait pas déraisonnable de supposer une prudente soumission au consensus de la part des girardiens. Ceci serait d’autant plus plausible, qu’au moins en Amérique du Nord, leur auditoire et leurs soutiens sont principalement issus de milieux chrétiens et même théologiques qu’on peut soupçonner de ne pas être insensible à l’idée de « choc des civilisations ». (...)