
ce n’est pas rêver à un improbable « neutralité » ou à une très aléatoire « objectivité », que de souligner que les partis-pris les plus insidieux se dissimulent derrière le vocabulaire apparemment le plus anodin.
Que l’on soit ou non favorable à l’intervention militaire en cours en Libye, on est en droit d’attendre des médias et des journalistes, quelles que soient leurs prises de position, que la condamnation du régime libyen ne se transforme pas en propagande de guerre qui se bornerait à rediffuser, sans les vérifier, les informations fournies par les états-majors, ou, plus simplement, à épouser le vocabulaire diplomatique, politique ou militaire de l’un des camps en présence.
« Communauté internationale » - Se dit, indifféremment, des membres du Conseil de Sécurité qui ont adopté la résolution, de ceux qui la soutiennent et de ceux qui, en s’abstenant, l’ont réprouvé. Cette expression semble désormais moins utilisée que lors de l’euphorie des premiers jours (...)
les médias ont pendant quelques jours oublié « de rappeler que quelques pays mineurs, périphériques et peu influents, n’ont pas voté la résolution de l’ONU, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Allemagne… ». On a semblé davantage s’intéresser aux quatre avions (de fabrication française) gracieusement mis à disposition par ce géant qu’est le Qatar qu’aux réactions des gouvernements de pays qui représentent plus de la moitié de l’humanité… Plutôt que de s’efforcer d’informer pour les comprendre, quitte, ensuite, à les soutenir ou les désavouer, l’on n’a guère épilogué sur les raisons pour lesquelles ils n’étaient pas convaincus de cette guerre. Ou plutôt, de ces « frappes ». (...)
les « alliés » ne bombardent pas, ils « frappent ». (...)
Quant à Kadhafi et ses forces armées, ils ne « frappent » pas, ils « pilonnent » (...)
On l’aura donc compris : les « frappes » sont « ciblées ». Les journalistes qui reprennent complaisamment cette expression se sont-ils demandé ce que seraient des « frappes non-ciblées » ? On shoote au hasard ? On déverse des bombes au petit bonheur la chance ? (...)
Dire d’une « frappe » qu’elle est « ciblée » est un artifice rhétorique qui tente de relativiser le caractère intrinsèquement violent d’un bombardement. (...)
Quant aux « forces ennemies », elles ne font jamais de « dommages collatéraux », puisque il va de soi que, toujours et partout, elles « prennent délibérément pour cible des civils désarmés ». (...)