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orient XXI
Libye. Une intervention militaire renforcerait l’organisation de l’État islamique
Article mis en ligne le 4 août 2016

Évoquée depuis deux ans par les dirigeants français, britanniques et italiens, leurs états-majors et les disciples de l’idéologie néoconservatrice américaine des années George W. Bush, la perspective d’une deuxième intervention militaire en Libye est à nouveau à l’ordre du jour.

L’objectif affiché serait l’éradication de l’organisation de l’État islamique en Libye, dont la capacité d’implantation connaît pourtant des limites. Reléguant aux oubliettes la question cruciale de la reconstruction d’un État légitime et inclusif, une telle opération aurait toutes les chances de poser davantage de problèmes qu’elle n’est censée en résoudre.

L’objectif affiché ne serait plus cette fois « la protection des populations civiles » mais l’éradication de l’organisation de l’État islamique (OEI) en Libye dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » relancée après les attentats de Paris du 13 novembre 2015. Le scénario idéal d’intervention sur lequel « planchent » les états-majors britannique, français, italien et américain serait celui d’une demande d’assistance émise par le gouvernement d’entente nationale, prévue par l’accord signé le 17 décembre à Skhirat sous la pression des puissances occidentales et des Nations unies.

Au cas où le retour en Libye du gouvernement d’entente nationale — jusqu’à présent compromis par les forces qui y demeurent hostiles — ne pouvait se faire rapidement, le plan B consisterait à intervenir sans l’appui d’un gouvernement local légitime.

Mais au-delà des discours officiels, que savons-nous des spécificités, des atouts et des faiblesses de l’organisation de l’État islamique (OEI) en Libye ? S’il est avéré qu’il fait de sa présence en Libye une pierre angulaire de sa stratégie de communication et ne cache pas son objectif d’y bloquer la reconstruction d’un État, sa capacité d’implantation et d’extension dans ce pays mérite néanmoins d’être analysée au regard des spécificités libyennes, qui diffèrent nettement de celles de l’Irak et de la Syrie. (...)

Si quelques voix en Libye appellent à une nouvelle intervention étrangère, l’immense majorité des Libyens est en effet hostile à une opération étrangère sur son sol — qu’elle soit le fait de pays occidentaux ou de pays arabes. En éloignant la perspective de la victoire d’une alliance nationale exclusivement libyo-libyenne contre l’OEI, une intervention étrangère contribuerait par ailleurs à délégitimer le gouvernement d’entente nationale qui apparaitrait alors clairement comme une marionnette des Occidentaux. Il nourrirait par ailleurs le ressentiment de nombreux Libyens qui, sans être mal disposés à l’égard des Occidentaux, n’en sont pas moins sensibles aux arguments des acteurs politiques les plus radicaux qui, à l’est comme à l’ouest du pays, entretiennent les théories complotistes, la plus répandue étant celle selon laquelle l’OEI serait une nouvelle créature de l’Occident pour intervenir dans les pays arabes.

Une nouvelle intervention militaire internationale en Libye ne contribuera par conséquent pas — bien au contraire — au traitement des racines politiques et sociétales de la présence de l’OEI dans ce pays, dont le préalable indispensable est la reconstruction d’un État libyen légitime et inclusif du maximum d’acteurs politico-militaires locaux libyens.