
Dans les terres du sud du Finistère, deux communes ploient sous le joug de six grandes surfaces... et le maire de l’une d’entre elles n’a rien trouvé de mieux que de toper pour une septième ! Les petits commerçants, étranglés, s’insurgent. Reportage chez Super Ubu...
(...) La chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Quimper a mené l’enquête. Entre 2002 et 2015, les mètres carrés commerciaux à la périphérie de Plonéour et de Pont-l’Abbé ont quasiment doublé, passant de 15 400 à 29 200 m2. En même temps, la surface de vente en centre-ville (3 200 m2 au dernier pointage) a fondu de 13,5 %. Conclusion de la CCI ? L’Hyper U et sa galerie marchande - on parlait à l’époque de 8 000 m2, un étiage réduit, depuis, de moitié à la suite de la bronca bigoudène - sont « susceptible[s] de déstructurer l’offre commerciale du centre-ville. »
L’INFLUENCE DES ÉLUS
Des études comme celles-ci, Serge Guilloux, le porte-parole des commerçants de Pont-l’Abbé, en a plein sa huche. « La chambre des métiers du Finistère a fait le même constat chiffré que la CCI : l’implantation de ce nouvel hyper sous nos fenêtres n’a aucun sens, martèle ce boulanger-pâtissier de 44 ans, une tête de moins que son collègue boucher à Plonéour, mais la même détermination. Une enquête publique a conclu en 2013 qu’il ne fallait pas aggraver la circulation sur la départementale qui mène à la zone de Kerganet, déjà très encombrée. En dépit de tous ces avis officiels et autorisés, le maire de Plonéour continue de nous chanter les louanges de Système U . C’est incompréhensible. »
L’édile en question, Michel Canévet, en est à son quatrième mandat, en sus de trois autres comme conseiller général. Un gars du pays, sans opposants de taille, que personne ici n’a jamais vu faire autre chose que de la politique, malgré son diplôme de Sup de co Bretagne. Après trois échecs aux législatives dans la circonscription de son mentor, Ambroise Guellec, l’ancien secrétaire d’Etat à la Mer sous Jacques Chirac, Michel Canévet a enfin décroché la timbale à 54 ans, et son billet pour Paris, en devenant sénateur UDI du Finistère en 2014. Cueilli par Marianne à la sortie du palais du Luxembourg, l’homme confirme l’entêtement qui transpire de son CV :
« Les locomotives commerciales, ça bénéficie à tout le monde. Et puis, on ne peut pas classer ou déclasser à notre guise des terrains. Il faut rester cohérent vis-à-vis des promoteurs auxquels on les a cédés. Après, le commerce est libre, la concurrence aussi. Je n’ai pas à m’opposer à l’installation d’une enseigne, surtout si elle vient bousculer une situation quasi monopolistique... »
On tique. L’honorable sénateur-maire verrait-il dans l’arrivée de Système U un heureux correctif à la toute-puissance locale de Leclerc ? « Oui. Les gens ont le droit d’avoir le choix. »
L’argument fait bondir Roger Gloaguen :
« Mais qui a déroulé le tapis rouge à Leclerc pour qu’il ouvre son drive, et demain son Cash & Carry [un libre-service de gros dédié aux restaurateurs] ? C’est Michel Canévet, pas ma belle-sœur ! Cette histoire de concurrence est une plaisanterie. On sait tous comment ça finit : les grandes surfaces se font la guerre en tirant les prix vers le bas, parce qu’elles ont les reins assez solides pour se le permettre, et nous, les petits, on met la clé sous la porte. »
Isabelle Ravaud, 44 ans, une ancienne fleuriste reconvertie dans le taxi, qui copréside avec lui le Gaco, abonde : « Certains élus sont incapables d’imaginer à quoi ressemble notre quotidien, ou plutôt, et c’est bien pire, ils n’ont pas envie de le savoir. »
En mai dernier, une manif inédite à Pont-l’Abbé a rassemblé 300 commerçants et opposants à l’implantation de l’Hyper U. Le nouveau maire LR de la ville, Thierry Mavic, a pris fait et cause pour eux. Comme son prédécesseur, le socialiste Daniel Couïc. Sauf que... le projet a beau se situer aux portes de la cité, il est piloté par la municipalité de Plonéour et par une communauté de communes, présidée par le multicarte Michel Canévet, à laquelle n’appartient pas Pont-l’Abbé ! (...)