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Lire : Ma vie au poste, de Samuel Gontier
Samuel Gontier, Ma vie au poste, La Découverte, Paris, 2016, 264 pages, 17 euros.
Article mis en ligne le 18 septembre 2016
dernière modification le 13 septembre 2016

Chaque jour ou presque, Samuel Gontier nous propose une chronique sur son blog « Ma vie au poste » [1]. Observateur assidu de la télévision, qu’il s’agisse des chaînes généralistes ou des chaînes d’information en continu, le journaliste de Télérama offre à ses lecteurs et lectrices un regard acerbe et lucide sur le « meilleur du pire » des programmes télévisés, à mi-chemin entre le regretté « Zapping » de Canal+ et les publications d’Acrimed [2].

Les éditions La Découverte ont eu la bonne idée de publier, sous forme de livre, une version augmentée des chroniques de Samuel Gontier parues entre 2008 et 2016, dans un ouvrage qui reprend le titre du blog : Ma vie au poste. Une version augmentée car il ne s’agit pas, contrairement par exemple au dernier « livre » d’Éric Zemmour, d’une paresseuse compilation de chroniques déjà parues, mais d’un important travail de reprise, synthèse, réécriture et organisation thématique de huit années de « garde à vue télévisuelle ». Et à Acrimed, autant le dire sans détour, on a aimé. (...)

« Même si des programmes plus subversifs subsistent, la télé scrutée dans “Ma vie au poste” véhicule une idéologie (au sens, non péjoratif, de “vision du monde”) conservatrice, ultralibérale, servile, sexiste, xénophobe, consumériste. » Une « idéologie » qui n’est pas le produit d’une volonté machiavélique de « laver les cerveaux » des téléspectateurs et des téléspectatrices, ni même des seules opinions des éditorialistes et journalistes vedettes, mais qui prend également sa source dans les formats télévisuels eux-mêmes et dans les logiques concurrentielles : course à l’audimat, au « buzz » et au scoop, poids – parfois direct, souvent indirect – des pourvoyeurs de la manne publicitaire, mimétisme et « circulation circulaire de l’information » (...)

Un ouvrage à lire donc, sans modération, ne serait-ce que pour profiter du travail de fourmi de Samuel Gontier, l’un des rares – avec Acrimed – à proposer de longues transcriptions de programmes télévisuels. Ce faisant, il offre un panorama sur huit années qui nous révèle, nous rappelle, ou met en relation des séquences aujourd’hui introuvables et souvent oubliées. Les médias de flux ont en effet une tendance marquée à produire des contenus qui disparaissent souvent aussi vite qu’ils ont été diffusés.

Or c’est précisément l’accumulation de centaines d’heures de visionnage de ces flux de programmes plus ou moins jetables qui permet de repérer les phénomènes récurrents et de construire un regard distancié sur des médias qui, de leur côté, s’imposent de moins en moins de distance par rapport aux événements et aux phénomènes sociaux à propos desquels ils prétendent informer. La position de Samuel Gontier, « journaliste de canapé » (comme il aime à se définir lui-même), est originale, singulière et à bien des égards indispensable pour quiconque veut mieux connaître la télévision, ses dérives et ses méfaits, et prendre le parti d’en rire, même si c’est parfois de dépit, sans s’interdire de réfléchir.