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Loi Travail : Que les salariés votent et décident, chiche !
Article mis en ligne le 18 mars 2016

L’avant-projet de loi El Khomri prévoit de nouveaux cas et de domaines dévolus à la pratique référendaire dans le code du travail. Nous ne nous attarderons pas sur les détails d’un texte en cours de reformulation sous la pression des rapports de forces, attachons-nous au fond. Le « bon sens » commun voudrait que les partisans de l’autogestion applaudissent à cette extension du domaine de l’expression des salariés. Le vote direct des salariés n’est-il pas une façon d’exercer une citoyenneté dans l’entreprise ? N’est-ce pas ce que nous faisons quand l’on donne la parole à tous les salariés unis dans l’action dans des assemblées générales qui se prononcent sur la conduite de la lutte ? N’est-ce pas le principe de coordinations de délégués élus dans les assemblées de grévistes en articulation avec l’action syndicale ? En réalité, il faut se méfier des apparences et voir dans quelle mesure il s’agit « d’une arme patronale contre la négociation collective » 1.

(...) Le projet actuel, lui, prévoit que, face à une opposition des syndicats majoritaires (c’est-à-dire ayant obtenu aux dernières élections la majorité des suffrages), l’employeur peut faire ratifier un accord minoritaire par référendum. Et la forme ne doit pas cacher le fond, c’est bien évidemment l’accord dérogatoire qui est en jeu, c’est-à-dire celui qui réduit les droits existants des salariés quelle que soit la norme supérieure (loi, accord de branche). Par exemple, il serait possible de baisser la rémunération des heures supplémentaires, d’augmenter la durée du travail et ce, entreprise par entreprise, au moyen du chantage à l’emploi comme nous l’avons déjà vu dans le cadre de certains accords « abdicatifs ». Là est le danger déjà expérimenté. C’est l’employeur qui a la maîtrise du scrutin et de ses modalités, qui est le seul à pouvoir toucher tous les salariés dans chaque établissement, les organisations opposées aux accords n’intervenant efficacement que là où elles sont physiquement présentes.

Il en est du contrat collectif comme du contrat individuel, si les parties sont « égales en droit » – elle ne le sont pas dans les faits – et c’est le rôle de la loi que de garantir de manière ferme des planchers et plafonds auxquels nul ne saurait déroger.

Et pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour réfléchir à des propositions alternatives. En effet, dans le cadre actuel et futur tel qu’il est envisagé par l’avant- projet, les consultations sont à l’initiative des chefs d’entreprise, puisque pour que les syndicats minoritaires puissent demander un scrutin, ils sont dépendants de… la signature de l’employeur, condition nécessaire à un accord. Et un silence révélateur, celui relatif au « droit d’expression » 3 dont on ne sait s’il est abandonné, ou considéré comme tellement secondaire qu’il n’est pas à l’ordre du jour de la « démocratie sociale ».

Alors, si nous voulons non pas rester au statu-quo mais « changer la vie », pourquoi ne pas donner aux salariés, à leurs syndicats, aux institutions représentatives du personnel le droit d’initiative de consultations pour améliorer les conditions de travail et la condition salariale ? Les CE et les CHSCT aujourd’hui peuvent faire appel à des experts. Pourquoi ne pas donner le droit d’organiser des réunions du personnel avec des experts ou toutes autres personnalités extérieures invitées, des clients, usagers, riverains, où l’on pourrait aborder la marche de l’entreprise, le contenu des services et de la production, les pollutions diverses ? Puisque les patrons veulent donner de temps en temps le droit de vote direct, une « citoyenneté » conjoncturelle, on pourrait aller plus loin dans cette « citoyenneté dans l’entreprise » pour reprendre le vocabulaire de l’ancien ministre socialiste du travail, Jean Auroux.

Allons plus loin : pourquoi ne pas demander aux salariés s’ils souhaitent reprendre leur entreprise, ne serait-ce que de manière consultative ? On ne sait jamais, ils pourraient reprendre une idée… du Parti socialiste 4 qui prévoyait le passage au secteur public des entreprises à la demande des salariés, pour le dire plus simplement aujourd’hui, une appropriation sociale…