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L’Humanité
Londres. Derrière le drame, un « meurtre social »
Article mis en ligne le 12 août 2017

Deux mois après la mort, dans un incendie violent, de 80 habitants pauvres dissimulés dans un ghetto du gotha, l’exigence de justice monte dans la société britannique.

ils venaient du monde entier pour la majorité d’entre eux, de Syrie à l’Afrique de l’Ouest en passant par les Philippines et l’Amérique latine ; certaines occupaient plusieurs emplois avec des salaires de misère... Les rescapés ne sont pas tous, loin s’en faut, relogés. Quelques dizaines à peine ont accepté leur installation ailleurs. Et au-dessus de l’un des quartiers les plus rupins de la capitale britannique, plane désormais l’ombre de cette gigantesque silhouette calcinée, camouflée dans le paysage avant l’incendie, invisible aux yeux du monde jusqu’au drame. Elle doit être recouverte dans les prochaines semaines, mais elle ne sera pas détruite avant fin 2018. Terrible symbole dans le décor des inégalités qui rongent le Royaume-Uni et tuent les moins favorisés de ses habitants.

les vivants et les morts de la tour Grenfell continuent d’accuser

Kensington : au sud, les somptueuses propriétés des magnats de toute la planète qui les achètent et les laissent vides bien souvent pour spéculer – début août, le quotidien britannique The Guardian a, sur la base des informations du conseil municipal local, recensé 1 652 demeures inoccupées, appartenant, via des holdings dans les paradis fiscaux, à l’ex-maire de New York Michael Bloomberg, à un oligarque ukrainien ou à des membres de la famille royale de Dubai – et au nord, ces poches de pauvreté absolue et d’insalubrité où, comme à la tour Grenfell, les prolétaires du monde entier s’entassent, souvent en sous-location –, ce qui explique aussi les difficultés à identifier toutes les victimes de l’incendie. Les uns sont assurés d’avoir l’oreille des gouvernants locaux et nationaux ; les autres, plus nombreux mais quantité négligeable, peuvent bien hurler, mais dans le désert. Les habitants de la tour avaient, à de nombreuses reprises, alerté les autorités et le bailleur sur les systèmes d’alarme défectueux, le caractère extrêmement inflammable des matériaux dans les parties communes, l’absence de mécanisme d’extraction de fumée, etc. Mais personne ne les a jamais écoutés avant le drame, les seuls travaux effectués servant à camoufler cette verrue, avec sa populace grouillante, plantée au cœur d’un environnement si chic... (...)

Le collectif Justice4Grenfell (Justice pour Grenfell) se mobilise au cœur de l’été pour réclamer une enquête indépendante sur les causes immédiates du sinistre, mais également sur le mépris suprême qui l’a rendu possible. (...)

Pour préparer les investigations dont elle devra, elle, définir le cadre et les limites dans quelques semaines, Theresa May, la première ministre britannique, a désigné Sir Martin Moore-Bick, un juge à l’empathie proche de zéro et au profil conservateur marqué : alors qu’une de ses précédentes décisions est remontée à la surface – il avait relogé une mère de famille à plus de 80 kilomètres de son domicile initial –, le personnage a déjà fait savoir qu’il n’entendait pas enquêter au-delà des « aspects techniques » de l’incendie, alors que, dans le même temps, la police elle-même laissait entendre que les éléments recueillis permettaient d’ores et déjà de poursuivre les responsables politiques et administratifs pour « homicides involontaires ».

Survenu quelques jours après la percée électorale de Jeremy Corbyn lors des législatives du 8 juin, l’incendie de la tour Grenfell illustre cruellement le prix de l’austérité infligée aux catégories populaires au Royaume-Uni. (...)