GRECE L’enquête judiciaire débutée après le meurtre du musicien Pavlos Fyssas commence à percer la structure paramilitaire du troisième parti grec et les complicités policières.
C’est une première depuis la chute de la dictature grecque, en 1974 : le chef d’un parti élu se retrouve derrière les barreaux.
Le dirigeant d’Aube dorée, Nikos Michaloliakos, a été inculpé hier et placé en détention provisoire pour « constitution et appartenance à une organisation criminelle ». Pour les sympathisants du parti néonazi, voir ainsi leur invulnérable « chef » menotté, tête baissée, encadré par les policiers, est un coup dur. Depuis mardi 1er octobre et le défilé de plusieurs membres d’Aube dorée au tribunal, un petit noyau dur de partisans crient leur colère, tentant d’assimiler toute la procédure à un « misérable complot », devant les tribunaux du quartier d’Evelpidon, à Athènes.
Pourtant, l’enquête apporte chaque jour son lot inquiétant de révélations sur ce parti qui était jusqu’à peu la troisième force du pays. (...)
Les révélations toujours plus inquiétantes informent sur une « machine » bien rodée et enracinée. Des groupes paramilitaires et des sections d’assaut étaient en effet éparpillés dans le pays. Le parti qui prône une discipline de fer et « la loi et l’ordre » avait mis en place un important programme d’entraînement, sur le modèle des forces spéciales, baptisé « Centaure ». Pour les alimenter, il allait jusqu’à recruter des jeunes de 14 à 17 ans dans les lycées grecs.
Les forces de l’ordre soupçonnent désormais l’existence d’une ou plusieurs « caches » d’armes dans l’Attique, la région d’Athènes. « Aube dorée a une structure très militaire, tout se décide à travers son chef », précise Dimitri Psarras, auteur d’un livre noir sur le parti néonazi. Un fonctionnement que confirme le rapport du vice-procureur qui parle de « Führerprinzip ». La pyramide est simple : dans les bureaux locaux qui maillent le territoire, un groupe de cinq responsables est chargé de rendre compte au « chef de cellule » des actions sanitaires ou de recrutement. Ce dernier rend lui-même son rapport au député compétent de la circonscription. Qui n’a de compte à rendre qu’au « chef ».
Attirail nazi chez M. le député
Sur la dizaine de perquisitions effectuées ces derniers jours chez des membres arrêtés d’Aube dorée, une prise impressionnante a été faite chez le numéro deux du parti, Christos Pappas. Le député moustachu conservait chez lui un véritable attirail national-
socialiste : une baïonnette, des épées et des casques nazis portant la croix gammée ou la mention « SS » d’époque. Les policiers ont déniché chez le « chef », Nikos Michaloliakos, 43 000 euros en liquide et trois armes sans permis (un pistolet automatique, un revolver et une carabine). (...)
L’enquête judiciaire en cours pointe une brigadière de la circonscription et un patrouilleur, soupçonnés d’avoir livré des informations aux membres d’Aube dorée. Mais plusieurs arrestations ont semé le doute parmi l’opinion publique, sur une éventuelle implication d’autres membres de la police. Aussi, une enquête administrative a-t-elle été ouverte au sein de l’institution par le ministre de l’Intérieur. Plusieurs fonctionnaires ont été suspendus, deux hauts responsables ont donné leur démission et huit responsables ont été préventivement mutés pour l’objectivité de l’enquête sur Aube dorée. Qui ne fait que commencer. (...)
Quoi qu’il en soit, il serait illusoire de croire qu’il suffira de condamner quelques têtes de gondoles et jeter l’opprobre sur leur groupe pour faire refluer l’extrême droite. L’attraction qu’exerce ce courant de pensée n’est pas soluble dans la justice. Le succès d’Aube dorée est celui du repli identitaire provoqué par l’effondrement d’un système économique et social. Dès lors, les réponses ne peuvent être que de cet ordre. A défaut, un nouveau mouvement fascisant viendra relayer Aube dorée, comme celui-ci a succédé à LAOS, le parti ultranationaliste éjecté du parlement en 2012. BENITO PEREZ (...)