
Voici le feuilleton du recours contre l’OQTF de Madama et, par la parole de sa famille d’accueil, "pas digne de confiance" comprendre les presque dessous de ce lamentable acharnement à virer un jeune majeur qui s’est pas à pas reconstruit, qui est inséré et travaille. De quoi hurler !
15 avril - Maintenant la répression : Aujourd’hui à 18h21, je reçois ce message de Véronique : " En rentrant ce soir on a trouvé au courrier : une convocation pour Eric au commissariat pour outrage à agent le 15/2/21 ; c’était pendant sa grève de la faim, le jour où on nous a empêchés d’entrer à la préfecture avec Madama et où Eric a fait un malaise. Il est convoqué le 22/4/21 à 10H30 au commissariat du Puy pour interrogatoire. Une amende de 135€ pour chacun de nous pour participation à un rassemblement non autorisé le 2/4/21." Depuis ce billet du 12 mars et le complément du 27 mars, vous savez que le jeune Madama, d’origine malienne, entré mineur en France, pris en charge par l’ASE, hébergé depuis plus de deux ans par Véronique et Eric en Haute-Loire, famille d’accueil et parents de coeur, est sur le coup d’un OQTF (ordre de quitter le territoire français) malgré un contrat de travail possible, réclamé par des employeurs de Haute-Loire dans un secteur agricole - l’élevage ovin - qui manque de main d’oeuvre. Il a même été placé (on peut imaginer le choc et la déstabilisation de ce jeune !) en centre de rétention administrative à Lyon dans des conditions pour le moins brutales et traumatiques. Finalement relâché après plusieurs jours sur appel mais assigné à résidence avec OQTF ce qui signifie qu’à tout moment, ce jeune qui n’a plus d’attache au Mali et ne souhaite que vivre en Haute-Loire après une reconstruction patiente pas à pas, peut être mis dans un avion et déposer au Mali. Ce Mali où la force armée française Barkhane, envoi décidé par le précédent président en 2014, est enlisée dans un dilemme terrible comme toutes ces forces armées de tous pays qui croient pacifier par les armes (...)
Le préfet de Haute-Loire manifeste un acharnement à détruire et nier ce que ce couple de militants politiques et syndicalistes bien connu en Haute-Loire a construit avec ce jeune depuis plus de deux ans. Certes la politique migratoire de Macron est ce qu’elle est mais en l’occurrence, on peut se demander si, au vu des soutiens pas seulement militants (notamment la "lettre ouverte des chef.fe.s d’entreprises au préfet en faveur de leurs apprentis étrangers") qui appellent à régulariser ce jeune inséré et ces jeunes particulièrement méritants ne cache pas un enjeu local qui pourrait être un acharnement au-delà du jeune homme ?
Le 8 avril - Annonce très tardive
Bien entendu après la sortie de Madama du C.R.A, un recours a été déposé pour l’annulation de l’OQTF. Un feuilleton ! Dans la soirée du 8 avril, tombe l’annonce auprès des intéressés : l’audience du tribunal administratif pour demander cette levée aura lieu le 9 avril à 11h. Pas un peu court ? pas un peu cavalier ?
Le 9 avril - Report dernière minute
Las, le lendemain,9 avril, peu avant 11h, devant le T.A., nous apprenons que l’audience est reportée au lundi 12 avril à 10h. Véronique et Eric donnent une interview devant ce tribunal pour dire leur relation avec Madama et expliciter ce recours. (...)
Le 12 avril - Enfin l’audience mais sans l’avocate (...)
Cette fois, l’audience s’est tenue avec une décision à rendre le lendemain mardi. A la sortie du tribunal Véronique et Eric, tout en émotion et en tension explicitent bien des aspects qui permettent de comprendre un peu mieux cet acharnement :
700 pages pour "la procédure". Le préfet accuse Madama de faux-papier (il est convoqué en octobre si pas expulsé avant !), la famille d’accueil est niée dans sa dimension aide psychique à la reconstruction et liens affectifs, parents de coeur vu comme des professionnels pas digne de confiance ! Il demande des excuses publiques pour des propos des parents contenant l’expression "racisme d’état", il met en cause les plus de 37 000 signatures de la pétition au prétexte que les signataires ne connaissent pas Madama ! Bref, feux de tous bois dans une région boisée ! Un point positif : le juge a sollicité la parole de Véronique et Eric. L’émotion est passée dans la salle d’audience comme un semblant d’humanité. La décision sera donnée le lendemain 13 avril. On peut continuer à signer la pétition sur change.org. (...)
Ajout mercredi 14 avril : recours rejeté. La décision du Tribunal administratif prise avec un jour de retard est enfin connue : recours rejeté. L’OQTF est maintenu. Madama est expulsable (...)
Madama a disparu, ses parents de cœur sont effondrés
Madama a disparu. Ses parents de cœur Véronique et Eric sont « sans nouvelle, effondrés et très mal de savoir [qu’ils]ne le verrons plus... Le choix qu’a fait Madama est son choix a lui, probablement terrifié par cette violence » (interview France Bleu). Eric est poursuivi pour outrage à agent et avec Véronique ont 135€ d’amende chacun. Vous avez dit acharnement ? Mais non voyons ! (...)
Déclaration du 14 avril d’Eric et Véronique
au rassemblement du Puy-en-Velay
(juste avant de s’apercevoir de la disparition de Madama le soir même !) :
"Cette déclaration s’adresse bien entendu à tous ces militant-es des droits humains qui se battent sans compter pour que des valeurs toutes simples comme la solidarité, la fraternité soient mises en œuvre
Mais elle s’adresse surtout à toutes ces personnes qui au travers de l’histoire de Madama et des nombreux autres ont pris conscience de la violence des politiques d’Etat. Elle s’adresse aux représentants de l’Etat dans les départements, formés probablement dans de grandes et belles écoles détachées de toutes réalité de terrain. Enfin, elle ne s’adresse pas aux invertébrés avachis sur leur canapé une bière à la main devant Cnews, s’imaginant faire partie d’une « race supérieure » parce qu’ils ont décrypté un site complotiste ou ont compris l’unique idée de Zemmour. Autrement dit tous les décérébrés qui nous ont inondés de messages racistes et abjects. J’ai espoir que nos combats anticipent la France de demain et non leurs meuglements infects. ( je retire meuglement par respect pour les vaches !).
Aujourd’hui avec Madama, on prend en pleine figure un véritable gâchis humain dont sont victimes des milliers de jeunes adultes en France. Lors de la déclaration du 17 février que j’avais faite, je me souviens avoir terminé en disant : « Nous n’avons pas voulu vous insulter mais force est de constater que la politique migratoire est d’une rare violence : celle de l’évaluation des êtres humains, de l’ emprisonnement en centre de rétention et des expulsions. ». Force est de constater pour ceux et celles qui suivent l’histoire de ces jeunes migrantes à quel point nous avions raison ! Aujourd’hui, une décision du tribunal administratif confirme la décision du préfet, en fait, elle confirme que vous avez respecté une procédure et des lois. Elle ne confirme pas que la procédure ou les lois sont bonnes, elle ne confirme rien de la vie des ces êtres humains, qui sont réduits dans les services préfectoraux à de simples cases et formulaires.
J’avais dit aussi que ces politiques contribuaient à fabriquer des clandestins. Le choix qu’a fait Madama, probablement terrifié par cette violence est peut-être celui là. Il risque de devenir comme des milliers la proie de patrons voyous et négriers adorant ratissé auprès de ces populations. Ce qui montre à quel point quand on fait un tel choix, l’impossibilité de retourner dans son pays.
Le parcours de Madama avec nous en France nous a balancé en pleine figure la violence de l’Etat en ce qui concerne le soi-disant accueil de ces jeunes. Cette violence, qui est certainement pour de nombreux et nombreuses migrant-es une véritable torture morale. Etre migrant-es aujourd’hui c’est être constamment suspecté, contrôlé, rabaissé, dominé, soumis, exploité, pressuré, déshonoré, berné, insulté, traqué et à la moindre petite réaction, à la moindre réclamation, c’est être menacé, arrêté, frappé, enfermé, humilié, expulsé.....Et tout cela par un pays et des personnes qui se revendiquent des droits humains ! La démonstration de cette violence institutionnelle serait bien trop longue à expliquer ici, mais il est possible qu’avec ma compagne, nous trouvions un moyen de la partager pour d’autres combats à mener.
Une des traductions de cette violence est le traitement de ces jeunes au travers de procédure administrative en totale méconnaissance de la personne, de son histoire, de son parcours. Si vous aviez accepté, M.Le Préfet, les nombreuses demandes de rencontres, et cela bien avant cette lutte, nous aurions pu vous donner quelques informations sur cette histoire de Madama. Madama nous en a confié quelques passages depuis sa naissance jusqu’à son arrivée en France. Cela relève de sa vie privée que nous n’avons pas à exposer ici. Mais, pour nous la connaissant, cela nous rajoute une souffrance à une autre. Mais certes, cela n’est pas votre problème... la loi est respectée ! Derrière, l’histoire de Madama que vous appelez « M.X » dans vos documents, il y a peut-être celle des « enfants-fantômes », celle d’après un rapport de l’UNICEF ou dossier d’Amnesty international, de 200 à 300 millions d’enfants qui naissent sans Etat-Civil. Des millions sont originaires d’Afrique Subsaharienne. Ils sont les principales victimes du travail infantile, des mariages précoces pour les filles, de la mendicité, des enfants-soldats. N’ayant accès ni à l’éducation, ni à la santé, ils ont un taux de mortalité plus élevé que la moyenne de pays aux taux déjà élevés. Exclus, marginalisés, ils sont les fantômes de la société. Certains, avec les mouvements migratoires actuels arrivent à s’extraire de cette invisibilité, et suivant un long voyage évitant, esclavage, viols.... arrivent en Europe, en France. On leur demande un Etat-Civil, ce qu’il essaie de faire sans frauder, ni tricher. Mais comment faire dans des pays ou très souvent l’administration est complètement désorganisée, voire inexistante dans les villages de naissance, avec des officiers d’état civil non formés et du matériel qui est celui que nous avions dans les années 50 ! Quand en plus dans ces pays au droit civil national se rajoute un droit coutumier ! Face à cela, on leur demande des documents qui doivent répondre à des critères européens ! En fait on leur demande l’impossible ! Ces enfants-fantômes, quand ils arrivent sur notre territoire, enfin sortis de l’ombre.... on les replonge immédiatement dans les ténébres. D’enfants de l’ombre, ils deviennent enfants-invisibles.
L’ignorance des autorités sa situation expliquent que l’on déclare à Madama que de retour au Mali - pays où il n’a plus personne ! - il pourra faire les mêmes études qu’à l’ISVT ! Je vois bien Madama arriver à Bamako, avec les 300 euros offerts généreusement par la France pour sa réinsertion, avec ses troubles cognitifs, taper à la porte d’une école et recommencer une scolarité ! Si la situation n’était pas aussi tragique on en rirait !
Enfin, cette lutte montre comment le préfet, représentant de l’Etat, juge les libertés fondamentales et notamment la liberté d’expression. Le premier exemple que je reprend fais suite à votre demande d’excuses publiques pour le terme « racisme d’état », qui n’a rien à voir avec « état raciste » ce que vous semblez ignorer. Je cite le passage de la déclaration du 17 février :
« Parler de racisme d’état, de racisme institutionnel peut faire débat, nous le concevons et nous acceptons le débat. En revanche, il ne peut être nullement condamné et sanctionné par une demande d’excuse publique. La question que vous nous posez n’est pas : est ce que le racisme d’état est le bon terme, mais est ce qu’on à le droit de l’utiliser. Cela nous semble être un abus de pouvoir et une atteinte très dangereuse à la liberté d’expression. ». Nous n’avons accusé personne de racisme ! Néanmoins, les pratiques discriminatoires existent bien en France, aussi dans nos institutions. Le reconnaître c’est déjà un premier pas pour les combattre. Je me demande si un ressortissant Suisse, Anglais, Etats-Uniens ou un riche étranger devant faire les mêmes démarches subiraient la même suspicion sur ces papiers !
Le deuxième exemple est votre réponse à la pétition que vous ne trouvez pas crédible car les plus de 37 000 signataires ne connaissent pas Madama ! J’espère que les signataires des pétitions pour les Ouïgours les connaissent bien car on pourrait douter du massacre de ce peuple ! Les signataires de pétition seront heureux d’apprendre comment leur soutien est pris en compte !
Enfin, nous en avons appris aussi sur le fonctionnement de la justice. Les avocats qui ont plaidé pour Madama ont fait ce qu’ils pouvaient, sauf celui commis d’office lors de sa garde à vue qui d’après le compte rendu d’audition n’a ni souhaité voir Madama avant, ni consulter son dossier, ni intervenir ! Malheureusement, nous n’avons pas les moyens de mobiliser des cabinets d’avocats, de mener des investigations au Mali pour retrouver les traces de l’histoire de Madama. Les avocats ont fait ce qu’ils ont pu et je tiens à les remercier pour leur travail. En revanche, je remarque que quand on est accusé de violence, accusé par le parquet d’usage illégal de passeport diplomatique et d’avoir produit un faux pour obtenir un passeport de service, comme c’est le cas dans l’affaire Benalla… on reste en liberté et on peut continuer d’exercer une activité. Madama, lui, est profondément honnête, il n’a jamais fait de faux, demande juste une vie simple et tranquille….. et pour cela il est « accusé de troubles à l’ordre publique », est incarcéré en centre de rétention et peut-être expulsé dans un pays où il n’a plus rien ! Ce n’est plus une double peine pour des innocents, mais une triple peine !
Pour finir, tous nos remerciements aux soutiens."