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Maison pour mineurs isolés à Épinay-sur-Seine : "Ici, mes problèmes diminuent"
Article mis en ligne le 16 mai 2020

Dans une petite maison d’Épinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, un groupe de neuf jeunes hommes migrants vivent dans l’espoir que l’État reconnaisse leur minorité et, ainsi, les prenne en charge. Une parenthèse dans leur parcours, après la route de l’exil et la vie à la rue, faite d’attente et d’activités simples.

(...) Jeux mais aussi devoirs. Parmi les occupants de cette maison située au bout d’une impasse fleurie et tranquille d’Épinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, Samba fait partie des quelques chanceux qui sont scolarisés. N’ayant jamais été à l’école auparavant, il a intégré une classe NSA (pour les élèves "non scolarisés antérieurement") dans un collège de Bondy, une ville voisine. "Je continue à faire des exercices de maths et de français à distance", explique-t-il en cet après-midi de la mi-mai. (...)

Maîtriser le français et aller à l’école sont des priorités pour Samba, comme pour les autres occupants de cette maison mise à la disposition de mineurs non accompagnés (MNA) par Médecins sans frontières (MSF) et l’association Utopia 56. Mais, plus que tout, les neuf migrants qui vivent sous ce toit, originaires du Mali, de Côte d’Ivoire, du Sénégal et de Guinée Conakry, s’accrochent à l’espoir que l’État français reconnaisse leur minorité et les prenne ainsi en charge. Tous disent être âgés de 16 ou 17 ans. Mais l’État français en a jugé autrement : pour lui, aucun d’entre eux n’est mineur.

"Ils ont déposé des saisines auprès d’un juge [pour contester ces décisions] mais, pendant le confinement, toutes les audiences ont été stoppées", explique Fanny Haddad, employée d’Utopia 56 qui vit avec eux, se charge des courses et du bon fonctionnement de la vie en collectivité. Pendant le confinement, les tribunaux en France ont en effet recentré leurs activités autour des affaires "essentielles", mettant ainsi un coup de frein aux dossiers de ces migrants. Et pendant que les procédures piétinent, les jeunes prennent racine : si la durée moyenne de leur passage dans cette maison était auparavant de trois semaines ou un mois, il n’est désormais pas rare qu’ils restent trois mois.

"Saisine", "aide juridictionnelle", "jugement supplétif’’

Cette maison fait partie des différentes solutions d’hébergement accessibles aux MNA, dont l’hôtel Passerelle à Neuilly-Plaisance, des hôtels d’urgence et des hébergements solidaires. Des options censées les soulager le temps d’une procédure parfois tortueuse et à l’issue hautement incertaine. (...)

Chacun des occupants de la maison d’Épinay est passé par la rue et a vécu une traversée en mer, faite de "difficultés et de souffrances", sur laquelle ils ne préfèrent pas s’attarder. Désormais logés et nourris, leurs soucis ont changé de nature. (...)

Les mots "saisine", "aide juridictionnelle" ou "jugement supplétif" sont entrés dans le vocabulaire de ces Africains, sans qu’ils ne sachent exactement ce qu’ils signifient. (...)

L’équipe médicale de MSF veille par ailleurs sur ce petit groupe. "Quand on est un mineur sans représentant légal, l’accès aux soins peut être compliqué", explique Gilles, un infirmier de l’ONG qui assure un suivi administratif des dossiers médicaux des migrants.

"Il est arrivé par exemple qu’un jeune ait besoin de soins chirurgicaux et que des centres hospitaliers refusent de s’occuper de lui. Dans ce cas, on intervient et on leur met la pression", poursuit-il. "Durant le confinement, il y avait aussi une psychologue qui venait une fois par semaine pour ceux qui avaient besoin de parler", ajoute pour sa part Fanny Haddad.

"Je me sens libre"

Cette dernière a essayé de créer un semblant de foyer entre ces murs. "J’ai ramené la guitare de ma soeur ainsi que mes jeux et mes livres d’enfance", dit-elle avec enthousiasme. Les murs de la grande entrée ont également été recouverts de dessins faits par les uns et les autres. (...)