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Reporterre
Malgré ses annonces, l’État pourrait laisser Amazon construire des entrepôts à gogo
Article mis en ligne le 1er août 2020

Au sein du gouvernement, le laps de temps entre une annonce et son désaveu semble de plus en plus rapide. Les discours verdoyants s’enchaînent mais peinent à se traduire en acte. Le 17 juillet, Barbara Pompili proposait de bloquer temporairement la construction d’entrepôts de e-commerce et donnait « une lueur d’espoir » à tous les militants engagés aux quatre coins de la France contre l’expansion d’Amazon.

Avant d’être ministre, elle avait également signé, en tant que députée, une tribune à charge contre le géant de la vente en ligne : « Ses projets sont contraires à la lutte contre le changement climatique et à l’ambition de relocaliser l’économie, affirmait le texte publié dans Libération. À l’heure de l’urgence écologique, ces nouvelles implantations vont dans le sens inverse de l’histoire ».

Le 18 juin, dans le Monde cette fois-ci, l’ancienne présidente de la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale récidivait : « Si on favorise l’implantation de gros entrepôts de e-commerce comme ceux d’Amazon, il ne faut pas pleurer sur les problèmes des petits commerces », déclarait-elle.

Mais depuis, de l’eau semble avoir coulé sous les ponts. Dix jours seulement après l’annonce d’un éventuel moratoire, l’idée paraît même enterrée. Sous pression, la nouvelle ministre a dû faire volte-face. Reporterre revient sur cette séquence qui illustre le poids relatif de Barbara Pompili au sein de l’exécutif et les blocages au plus haut sommet de l’État.

« Le président de la République est allergique au mot moratoire » (...)

L’amour d’Emmanuel Macron pour ces étendues de tôles ondulées est loin d’être récent. Lorsqu’il était ministre de l’Économie en 2015, sous le quinquennat Hollande, il avait initié « une stratégie nationale pour la logistique » afin de « faire de la plateforme France une référence mondiale ».

« Il y a une forme de copinage. Emmanuel Macron ne veut pas contredire Amazon. Il pense que la vente en ligne est l’avenir du commerce », analyse Alma Dufour de l’association les Amis de la Terre. D’autant plus que « le président de la République est allergique au mot moratoire et à l’encadrement de l’économie », précise-t-elle. (...)

« Le gouvernement ne veut pas se mettre à dos les marchés financiers ainsi que les États-Unis et la Chine qui verraient d’un mauvais œil le frein à l’expansion de leurs premières capitalisations boursières », souligne Alma Dufour. (...)

La cacophonie règne et les racines de l’inertie sont profondes. (...)

Aucun gel temporaire n’a été, pour l’instant, fixé alors qu’une dizaine de projets portés par Amazon sont en voie d’autorisation et que la multinationale prévoit de doubler le nombre de sites en France d’ici 2021.
Le monstre du e-commerce avance comme « une machine de guerre »

Partout, son implantation s’accélère. (...)

Selon les calculs de l’association les Amis de la Terre, la multinationale pourrait artificialiser d’ici 2021, 1,4 millions de m2 à travers la France. Elle pourrait aussi faire exploser l’empreinte carbone de la France avec l’importation de plus d’1,3 milliard de produits supplémentaires par an, la plupart provenant de Chine.

Depuis le confinement, l’entreprise s’est rendue indispensable. Son chiffre d’affaire a bondi de 83 % en avril dernier. Elle est le grand gagnant de la crise au mépris de la santé de ses salariés, soumis à des rythmes intenses et une promiscuité dangereuse. (...)

Son patron, Jeff Bezos, a enregistré une hausse historique de sa fortune estimée aujourd’hui à plus 180 milliards de dollars. Une somme supérieure au PIB du Maroc et à la richesse combinée de près de la moitié de l’humanité.

Le choix du gouvernement se fait aussi au mépris des demandes de la Convention citoyenne pour le climat. Ses membres avaient répété qu’ils souhaitaient intégrer les hangars de e-commerce dans leur moratoire. Le 16 juillet, dans la matinale de France Inter, William Aucant, un des 150 citoyens tirés au sort, l’avait encore réaffirmé et s’était inquiété de la tournure que prenaient les événements.

La situation actuelle risque de renforcer « la concurrence déloyale entre les commerces physiques et la vente en ligne », alerte Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, qui rappelle qu’il existe déjà deux poids deux mesures (...)

Au cours de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative, la députée des Deux-Sèvres, Delphine Batho, a tenté de mettre fin aux privilèges des entrepôts de vente en ligne. En vain. Ses amendements ont tous été rejetés. (...)

Alma Dufour, des Amis de la Terre, elle, ne décolère pas :

Quand on dit qu’il faut fermer les centrales nucléaires, le gouvernement nous fait tout le temps du chantage à l’emploi et nous traite d’irresponsables. Mais là tout d’un coup, pour Amazon, il s’en fiche. Il laisse s’installer un modèle destructeur pour l’emploi et l’écologie. C’est criminel. » (...)