
Depuis un an, le département de la Seine-et-Marne refuse de prendre en charge la scolarité de beaucoup de jeunes une fois leur majorité atteinte. Une politique qui se poursuit malgré les décisions de justice. Une situation que dénoncent ces jeunes ainsi qu’un collectif d’associations
Depuis un an, le département de la Seine-et-Marne refuse de prendre en charge la scolarité de beaucoup de jeunes une fois leur majorité atteinte. Une politique qui se poursuit malgré les décisions de justice. Une situation que dénoncent ces jeunes ainsi qu’un collectif d’associations(...)
Devant le siège du Conseil départemental de Seine-et-Marne à Melun, la colère commence à gronder. Peu avant neuf heures du matin ce vendredi de la mi-juin, une trentaine de personnes préparent des pancartes et des panneaux pour le rassemblement qui se tient ce jour-là. Tous sont ici pour dénoncer des décisions qui, depuis un an, mettent dans une précarité extrême des dizaines de lycéens étrangers. Parmi eux, Abdulaye. Âgé de dix-sept ans, le jeune Malien est scolarisé en électricité au lycée professionnel Léonard de Vinci de Melun. Il a beau avoir trouvé un employeur prêt à le faire travailler à partir du 1er juillet, le département de la Seine-et-Marne ne le voit pas du même œil. La raison tient à six petits mois : en février prochain, Abdulaye sera majeur. Pour le 77, il représentera un coût que le département ne se dit plus prêt à prendre en charge. Son contrat, pourtant ficelé, n’a donc pas été signé par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE). « Venir en France, c’est espérer demain, s’indigne le jeune garçon. L’objectif, ce n’est pas que le patron signe le contrat pour que le département ne l’accepte finalement pas ». Son cas est loin d’être unique et le département assume totalement cette politique.(...)
Depuis un an, un collectif informel d’associations, composé entre autres de RESF, Amnesty International ou encore du Secours catholique, défend ces jeunes fragilisés par la politique du département. Dans toutes les mémoires, la mort tragique du jeune Abdellah. Le 2 mai, ce lycéen arrivé d’Egypte en France en septembre 2015, sous tutelle d’Etat depuis décembre 2016 et scolarisé à Provins, a été retrouvé mort à Melun, poignardé dans un squat où il avait trouvé refuge pour quelques nuits. Un mois plus tôt, il avait eu 19 ans.
"Quand vous nous interdisez l’école, vous agissez exactement comme ces pays agissent envers nous. A 11 ans, je travaillais déjà ! "(...)
Selon des sources concordantes, c’est une circulaire de l’aide sociale adressée au début du mois de juin aux services d’accueil des jeunes qui leur demande de ne plus orienter les mineurs de plus de 16 ans, pour qui la scolarité se terminera très probablement quelques mois après leur majorité. Nous avons tenté de récupérer ce document, en vain.(...)
Au terme d’une réunion entre associatifs et militants cette semaine, le collectif a décidé de s’entourer d’avocats. Le but : mener une action en justice rapidement et donner aux jeunes les moyens de se défendre, notamment via des référés liberté. Procédures rapides justifiées par l’urgence de telles situations, les référés liberté permettront au juge de prendre une décision en 48h. Avec cet espoir : garantir l’application des droits existants pour cette centaine de jeunes étrangers isolés scolarisés dans le département de Seine-et-Marne.(...)
Depuis quelques mois, l’avocate reçoit environ un cas de ce type par semaine. « Je n’accuse personne, mais le constat est amer, commence-t-elle. C’est difficile de ne pas s’interroger, de ne pas se demander si les choses auraient été différentes pour Abdellah si son contrat n’avait pas été interrompu. Nous sommes face à un problème qui concerne énormément d’autres jeunes dont beaucoup ne vont pas devant les juridictions ». A sa mort, le consulat d’Egypte a fait rapatrier le corps du jeune garçon dans son pays, auprès de sa famille, où il a été inhumé.
Les mineurs non accompagnés, enjeu politique ou budgétaire ?(...)
Il n’a eu que quelques jours de préavis avant d’être mis dehors. La majorité des jeunes à qui cela arrive sont complètement désemparés et ne comprennent pas. Ils se demandent ce qu’ils ont fait de mal, on en est là ! Mais ils n’ont rien fait de mal ! ».(...)
Une position pourtant contestée par le Tribunal administratif de Melun dans sa décision du 21 mars 2018, qui a contraint le département à « lui accorder le bénéfice de cette prise en charge provisoire » jusqu’à la fin de son année diplômante, décision confirmée par le Conseil d’Etat le 13 avril 2018.(...)
Le jeune homme, qui devait passer son CAP de carreleur en juin, a vu sa prise en charge en contrat jeune majeur s’arrêter brutalement en janvier 2018 par une décision du président du Conseil départemental de Seine-et-Marne, et avec elle son hébergement et les ressources qui en découlent.