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Manifeste « Pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe » Comment rompre avec l’Europe de l’austérité ?
Article mis en ligne le 28 juin 2019
dernière modification le 27 juin 2019

On a sous les yeux le Brexit britannique, transformé en machine de guerre nationaliste et xénophobe ; on a en mémoire l’humiliante capitulation de Syriza en Grèce. Faut-il pour autant renoncer à rompre avec l’Europe de l’austérité, ses traités néolibéraux et sa monnaie unique ? Non, répond vigoureusement le manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe. Tout au long de ses cent pages, ce texte souligne l’importance de combiner mesures gouvernementales radicales et mobilisations populaires. Nous publions ici la présentation des premiers pas de cette rupture probable et concevable.

Les mesures immédiates

La priorité est d’en finir avec l’austérité. La politique fiscale et monétaire doit être conçue pour relancer la demande intérieure avec l’objectif de réduire le chômage et d’augmenter les revenus. Dans une grande économie telle que celle de l’UE, les
sources de la demande doivent être cherchées en priorité à l’intérieur. Cela vaut pour les pays du centre comme pour ceux des périphéries, mais aussi pour le pouvoir hégémonique. L’Allemagne doit en finir avec le néo-mercantilisme en se concentrant sur son économie intérieure.

La stimulation de la demande intérieure doit nécessairement inclure la redistribution des revenus et des richesses en le transférant depuis le capital vers le travail. Il faut s’attaquer aux inégalités de manière urgente en Europe, à la fois dans le centre et dans les périphéries. Dans plusieurs pays membres de l’UE, il est tout à fait sensé, d’un point de vue économique, d’augmenter les salaires afin de soutenir la demande globale. Il est également sensé d’augmenter la charge fiscale des entreprises et des riches, y compris en ce qui concerne leurs richesses.

La restauration des droits des travailleurs et des travailleuses, et la protection de l’emploi, de même que le renforcement de l’État social au moyen d’allocations et d’investissements dans les domaines de la santé, du logement et de l’éducation notamment constituent une dimension à part entière de la réduction des inégalités […] (...)

Ces mesures impliquent de désobéir aux traités européens et aux institutions européennes. Ces dernières réagiront nécessairement pour essayer d’empêcher leur mise en œuvre. […]

Cette contre-attaque des classes dominantes européennes peut prendre la forme de la fuite des capitaux ou de l’augmentation des taux d’intérêt par exemple, mais aussi d’un chantage politique opéré par les bourgeoisies nationales et les institutions européennes afin de contraindre le gouvernement populaire à abandonner sa politique en faveur des classes populaires ainsi que son mandat démocratique.

Au cours de cette période, le gouvernement populaire nouvellement élu devrait donc mobiliser à la fois la population et les mouvements sociaux pour soutenir ces politiques radicales et les travailleurs des secteurs stratégiques (notamment les banques) pour empêcher les « saboteurs » de l’économie et de la démocratie de réussir. Il devrait également rassurer la population concernant la garantie de son épargne, de la valeur de son argent et de ses conditions de vie et de travail, tout en
s’adressant aux autres peuples d’Europe afin d’obtenir leur soutien actif. (...)

La machine néolibérale de Bruxelles ne tolérerait pas une telle remise en cause de l’organisation institutionnelle de l’UE et du pouvoir de l’acquis communautaire. La perspective de représailles, de sanctions, d’un retrait de financement ou même de l’expulsion de l’UE deviendrait inévitable.

Face à l’hostilité de l’UE, la gauche populaire devrait donc rejeter le marché unique et son cadre institutionnel et juridique. Elle devrait plaider en faveur d’un contrôle de la circulation des biens, des services et des capitaux, sans lequel il serait
impossible d’appliquer un programme radical dirigé vers le socialisme.

Elle devrait également rejeter l’autorité de l’acquis communautaire et de la Cour de
justice de l’Union européenne, et commencer ainsi à dissocier la législation nationale de la législation communautaire.

Enfin, elle devrait s’appuyer sur les luttes sociales pour imposer des avancées et réalisations dans les domaines des relations de travail, de la répartition des richesses, de la coopération entre les peuples et de la protection de l’environnement, et initier des processus constituants pour créer de nouvelles institutions démocratiques aux niveaux national et international. En fin de compte, il n’y a pas d’autre moyen de recouvrer la souveraineté populaire. Cette récupération de la souveraineté populaire doit être compatible avec l’internationalisme, dans la mesure où elle sera ouverte à la solidarité et permettra de partager les bénéfices de ces politiques entre différents peuples dans le cadre d’une coopération démocratique. Si cela implique de se voir opposer un ultimatum pour quitter l’UE, qu’il en soit ainsi. […]

À propos

Ce manifeste du réseau ReCommonsEurope, élaboré collectivement par des chercheuses et chercheurs ainsi que des militant·e·s, existe en deux versions (complète : une centaine de pages ; résumée : une cinquantaine), toutes deux consultables sur le site du CADTM.