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le monde diplomatique
Marinaleda, phalanstère andalou dans une Espagne en crise
Article mis en ligne le 26 février 2014
dernière modification le 21 février 2014

Avec ses camarades du Syndicat andalou des travailleurs, M. Juan Manuel Sánchez Gordillo a mené plusieurs actions de réquisition de nourriture dans les supermarchés en faveur des victimes de la crise. Ces coups d’éclat ont suscité un regain d’intérêt pour Marinaleda, la commune dont il est le maire. Ici, on ne fait rien comme ailleurs. Et cela semble marcher…

Marinaleda, commune espagnole de vingt-cinq kilomètres carrés, deux mille huit cents habitants, dans la province de Séville, est entouré d’immenses propriétés appartenant pour la plupart à de riches propriétaires terriens. « Los terratenientes », l’aristocratie seigneuriale séculaire, exploitent des milliers d’hectares et des dizaines de milliers d’ouvriers agricoles, peones ou jornaleros (journaliers). C’est le royaume du travail précaire (1).

Mais Marinaleda est connu en Espagne, et même en Europe, pour d’autres raisons. Ce village, sous l’impulsion de son maire, M. Juan Manuel Sánchez Gordillo, toujours réélu depuis trente-quatre ans, a développé un dispositif politique, économique et social original. L’écusson de la ville clame ses ambitions : « Une utopie vers la paix ». Certains le qualifient de modèle anticapitaliste ; d’autres le dénoncent comme une tromperie ou une farce. Alors, vérité ou mensonge ? Utopie ou réalité ? Système anticrise ou simple retardateur des effets de la crise ? (...)

Les réalisations sont impressionnantes eu égard à la taille de la commune. Côté infrastructures : l’hôtel de ville, le collège, le pavillon des sports, le gymnase, la maison de la culture, deux foyers pour les anciens, un stade. Côté social et loisirs : une garderie (coût mensuel : 12 euros par mois et par enfant, repas compris), une cantine scolaire (20 euros par mois), une piscine (1 euro par mois), un atelier pour l’emploi (6), deux parcs naturels, un parc pour enfants, une promenade ombragée, un service municipal d’aide à domicile, et l’organisation de fêtes et d’événements culturels tout au long de l’année.

Pour parvenir à ce résultat, la municipalité a utilisé à la fois des subventions de l’Etat et de la communauté autonome, ainsi que des impôts locaux, et elle n’a pas hésité à s’endetter, à hauteur de 77 000 euros en 2012. Sans de tels choix, un ménage avec trois enfants devrait débourser au moins 800 euros mensuels supplémentaires pour subvenir à ses besoins.

Le système a ses détracteurs, voire ses ennemis. (...)

Les subventions annuelles nationales ou régionales sont passées à la moulinette des recortes (coupes budgétaires) décidées par le gouvernement du Parti populaire, obéissant à la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). En 2012, les subventions ont été réduites de près de 40 %. De nombreux travaux promis par la mairie ont été suspendus : la résidence pour personnes âgées, l’hôtel, la piscine couverte, une nouvelle conserverie, un nouvel atelier pour l’emploi, l’investissement dans les énergies renouvelables, un centre de santé, un canal, une route de déviation. « Malgré la crise, affirme Alberto, ici, il y a moins d’angoisse que dans le reste de l’Andalousie. » Et l’équipe municipale cherche d’autres solutions. Le phalanstère andalou continue.