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Marseille : Quand c’est fini (ni-ni, ni-ni…)
Article mis en ligne le 6 novembre 2015
dernière modification le 31 octobre 2015

On était prévenu : la capitale européenne de la culture Marseille-Provence 2013 allait accélérer la ripolinisation de la ville. Dernières victimes en date de la grande lessive : les associations qui se démènent à organiser des fêtes de quartier avec et pour les habitants.

« Ma ville accélère... droit dans le mur » d’après de facétieux graffeurs s’étant invités sur les affiches de propagande municipale : c’était le slogan choisi par le service com’ de la mairie pour accompagner la reconquête de la ville mise en scène par le méga-événement de 2013. Las ! Les bateleurs partis, les feux d’artifice explosés et les projecteurs éteints, la ville a retrouvé ses vieux démons : capitale de la pauvreté pour La Provence [1] , capitale du crime pour d’autres [2]. À tel point que les élus s’inquiètent de ce retour du Marseille bashing, très préjudiciable à la bonne marche des affaires.

Pour les étudiants, bons clients de ce genre d’animations culturo-festives et agents involontaires des opérations de remplacement de populations dans le centre-ville [3], la métropole méditerranéenne reste sale et dangereuse, selon une enquête récemment commandée par la mairie. Du côté des investisseurs, hormis les grands programmes gavés d’argent public sur ou à proximité de la façade littorale, le marché de l’immobilier demeure peu attractif, avec une baisse d’activité de 40% en vingt ans, dixit l’Union des syndicats de l’immobilier. Côté classes moyennes et supérieures enfin, le fameux effet TGV et l’expulsion continue des pauvres vers les quartiers périphériques n’ont pas réussi, pour l’instant, à gentrifier le centre-ville [4]. Ainsi, au regard des enjeux économiques, le hiatus s’aggrave entre le bilan de l’événement Capitale de la culture et les déclarations triomphalistes du président de la Chambre de commerce et d’industrie, Jacques Pfister, également président de la défunte association Marseille-Provence 2013.

Pourtant, tout avait été mis en œuvre pour que l’année Capitale fasse de Marseille un label de prestige dans la compétition européenne et mondiale pour accéder au Top 20 des métropoles les plus attractives. Mais à qui ce coup de marketing territorial a-t-il profité ? Dans son rapport sur l’association Marseille-Provence 2013 rendu public le 9 juin dernier, la Chambre régionale des comptes (CRC) insiste sur le retour gagnant-gagnant pour quelques grosses entreprises. (...)

Cependant, pour filer la métaphore du film de Nicolas Burlaud (qui sort en salle ce mercredi 4 novembre, en association avec CQFD), tous les Troyens n’ont pas été dupes. Les associations locales du Grand Saint-Barthélémy, au nord de la ville, ont envoyé paître les organisateurs des « Quartiers créatifs – Jardins possibles » et leurs 400 000 euros de verroteries, refusant de servir de « vitrine culturelle à des projets rejetés sur de nombreux aspects par les habitants et source de conflits qui prennent une racine profonde dans l’histoire des dominations sociales et postcoloniales que nos quartiers connaissent [5] ».

Si MP 2013 avait consacré 50% de son budget – au lieu de 5% – à ces territoires délaissés où vit 50% de la population marseillaise, l’événement en aurait-il été plus désirable ? Bien sûr que non, puisque sa vocation première était d’asphyxier tout ce qui ressemble à des pratiques sociales et culturelles locales au profit d’une animation de supermarché pour croisiéristes entre deux escales. (...)

« À partir de 2009 et dans la foulée de la sélection de la candidature de MP 2013, la culture a été redéfinie dans le sens d’un découplage avec le social, la vie des quartiers, pour se raccrocher à l’économique, au tourisme », analyse Marianne Doulay, de l’association du cours Julien. Inlassablement, les autorités municipales poursuivent leur guerre contre une partie de la population [6] : fermeture de salles de concert, couvre-feu pour les épiceries de nuit vendant de l’alcool ou sur les plages populaires l’été…

Point de fatalisme néanmoins : à Marseille, la vie finit toujours par repousser. De traviole, mais elle repousse. La Belle fête de Mai s’est tenue en 2015 en réduisant un peu la voilure, la fête du Panier s’est déployée au rythme des saisons plutôt que se concentrer sur un gros week-end… Et les fêtes de quartiers se sont fédérées en collectif pour mieux faire entendre leurs voix.