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Presse et cités/journal officiel des banlieues
Médias de banlieue : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés »
Article mis en ligne le 6 juin 2013
dernière modification le 5 juin 2013

En 2005, la France s’embrasait. 300 cités en périphérie du récit national s’insurgeaient contre la dégradation de leur quotidien. Une presse nouvelle émergeait alors de ces zones. Elle est à l’agonie aujourd’hui. Pourtant, elle donne à voir une France nouvelle. La gauche va-t-elle l’enterrer ?

Toute la presse s’est émue des émeutes de 2005. Elle s’est esbaudie de l’émergence du Bondy blog. Nouveaux média, nouveaux journalistes, nouveaux points de vue… Dans la foulée, Rue89 apparaissait. Puis Médiapart, et d’autres. Mais la presse traditionnelle, elle, continuait à boire la tasse. En particulier pour une raison : le lectorat populaire ne s’y intéressait plus. Et pourquoi s’y serait-il intéressé, puisque cette presse elle-même ne s’intéressait pas à ce lectorat : les élites et leurs médias s’enfermaient dans l’entre-soi… tout en fustigeant l’enfermement des quartiers.

« malgré bien des difficultés endurées par les quartiers sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le bout du tunnel apparaissait »
(...)

« Le service public a décidé de sous-traiter la médiatisation de ces territoires. Il n’y a plus d’émeutes ? Il n’y a donc plus de sous pour eux. En haut lieu, on doit estimer qu’elles ne vivent que d’amour et de thé à la menthe. »

Avec l’arrivée de la gauche, les médias des quartiers espéraient sortir définitivement la tête de l’eau. Et patatra ! Regards2banlieue (80 salariés passés par ses chantiers d’insertion depuis 2007) se voit retirer une bonne partie des aides (passant de 80 000 à 17 000 euros) : pourquoi existe Regards2banlieue ? Parce que France3, avec les émeutes de 2005, souhaitait filmer les quartiers vus par ceux qui y habitaient. La chaîne a proposé à ces spécialistes de l’insertion de former des habitants des quartiers au métier de journaliste.

Autres exemples ? (...)

Conclusion ? On est au milieu d’un champ de ruines. La plupart de ces médias sont nés suite aux émeutes de 2005. Il n’y a plus d’émeutes ? Il n’y a donc plus de sous pour eux. En peu de chiffres, mais beaucoup de symboles : le ministère de la Culture de Mitterrand ? 280 000 euros d’aides à ce secteur en 2010 et 2011. Le ministère de la Culture de Filippetti ? 0 euros. Oui : 0 euros. Les banlieues ? En haut lieu, on doit estimer qu’elles ne vivent que d’amour et de thé à la menthe.

La cruelle réalité est là : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés », disait Jean de La Fontaine dans Les animaux malades de la peste (...)


Mais qui veut donc la peau des banlieues ?
Qui peut aujourd’hui, dans la situation sociale que connaît le pays, se passer de certains de leurs porte-voix, aussi déshérités qu’ils sont jeunes et créatifs ? Aujourd’hui on ampute les budgets ; peut-être certains rêvent-ils même d’amputer la France de ses banlieues ! (...)

Ces médias, baromètres sociaux des quartiers, indiquent que la température du volcan français s’approche de la fusion. Il ne faudra pas compter sur eux, qui sont parmi les derniers médiateurs des cités qui les ont vu naître, lors des prochaines émeutes, pour tenter de « recréer du lien » et de « renouer le dialogue » avec les institutions honnies, les policiers caillassés, les journalistes tabassés, et on ne sait trop qui encore. On ne pourra plus venir les chercher, ces damnés de la presse, puisqu’ils seront bientôt six pieds sous terre.