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le Monde Diplomatique
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Article mis en ligne le 20 novembre 2011
dernière modification le 17 novembre 2011

« Le droit d’ingérence et l’emploi de la force sont devenus la règle, contrairement à l’angélisme que j’ai vécu en Bosnie », se réjouit M. Philippe Morillon (1). Ce général français a vécu les massacres de Srebrenica en juillet 1995 alors qu’il participait, en Bosnie-Herzégovine, à une force des Nations unies impuissante. Son mandat se limitait à une mission humanitaire, et les règles d’engagement des casques bleus les cantonnaient à une timide légitime défense.

Près de vingt ans plus tard, l’« angélisme » en vigueur à New York que dénonçait un général pétri de remords n’est plus de mise : en janvier 2011, pour protéger les Ivoiriens à l’orée d’une nouvelle guerre civile, le secrétaire général des Nations unies (ONU), M. Ban Ki-moon, lance des hélicoptères en livrée blanche qui tirent des missiles contre le bunker du président destitué, M. Laurent Gbagbo. L’argument de la « responsabilité de protéger les populations », adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en 2005, est ensuite invoqué, à partir de mars 2011, pour justifier l’opération de l’Alliance atlantique contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi en Libye.

Ce nouvel interventionnisme humanitaire, avatar du droit ou du devoir d’ingérence, reste controversé (... )

Y aurait-il donc des guerres justes, ou finalement juste la guerre ? De saint Augustin aux Français Bernard Kouchner (médecin et homme politique) et Bernard-Henri Lévy (néophilosophe, conseiller du président Nicolas Sarkozy), en passant par M. George W. Bush et ses « frappes préventives » contre l’« axe du Mal », beaucoup ont défendu un usage moral de la violence. En se parant de toutes les vertus face au sort catastrophique des faibles, auxquels il fallait sans tarder porter secours, quoi qu’il en coûte. En s’arrogeant, à quelques-uns, le droit d’intervenir dans des pays en théorie souverains. En décidant eux-mêmes d’y voir une nécessité impérieuse, jusqu’à tenter de l’imposer dans le droit international.

Autre exemple de bel habillage militaro-humanitaire : « gagner les cœurs et les esprits ». Faute d’avoir réussi à imposer leur démocratie en Afghanistan, et leur remodelage géopolitique au Proche-Orient, les chefs militaires américains ont tenté de renouer avec les théories coloniales de contre-insurrection : on discute, on séduit, on aide, on achète, on se renseigne. Mais ils en sont revenus, comme avant eux les Soviétiques, les Britanniques, les Français, etc. Et tous, maintenant, ne pensent qu’à partir... (... )

Car il y a un « dessous des cartes » : aucune opération, même parée du bleu de l’ONU et apparemment destinée à sauver des vies innocentes, n’est chimiquement pure. Les arrière-pensées stratégiques, économiques, géopolitiques demeurent.
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tout règlement par la guerre, même sous le manteau de l’humanitaire, finit — dans le fracas du combat et le désordre de la société — par mettre aux prises les extrêmes, à glorifier les « bons », à diaboliser les « méchants », au risque de compromettre pour longtemps la nécessaire, délicate et patiente recherche de solution politique à long terme. (... )

Pour Rony Brauman, cofondateur de Médecins sans frontières, « il est impossible d’enclencher un cercle vertueux de démocratisation par la violence ». La violence que la rébellion libyenne, soutenue par l’Alliance atlantique, a déployée lors du siège de Syrte, à l’automne 2011, confirme ce malaise. Et le théoricien de l’humanitaire, que l’euphorie de la chute des tyrans n’ébranle pas, ajoute : « On a connu les chutes de Mogadiscio, Kaboul, Bagdad, ce sont des moments d’optimisme pour certains, mais à chaque fois les réalités politiques nous rattrapent (2). »
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