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Mélenchon antisémite ? De la « petite phrase » déformée au « clash » obsessionnel
Article mis en ligne le 27 mars 2013

Entre le 8 et le 12 mars derniers, une petite meute médiatique en mal de controverses déformait jusqu’à l’absurde les propos tenus par le ministre Victorin Lurel à l’occasion des obsèques d’Hugo Chavez. Nous avions relaté ici même cet épisode, en apparence anodin, mais néanmoins symptomatique d‘un procédé en vogue chez certains journalistes en mal de « scoops » : fabriquer des « petites phrases » tronquées et décontextualisées pour construire une polémique médiatiquement rentable.

Moins de quinze jours plus tard, les mêmes procédés ont prévalu pour accuser Jean-Luc Mélenchon d’« antisémitisme », et à nouveau, susciter un « bruit médiatique » aussi assourdissant que dérisoire. (...)

Ainsi fut instruit le procès en antisémitisme, sous-entendu par l’un et explicite pour l’autre… Pour que le reste des médias puisse se saisir de l’accusation et construire une affaire qui allait occuper une bonne partie de l’actualité jusqu’à lundi, il ne manquait plus que quelques responsables politiques ne se saisissent de ces « petites phrases » et qu’ils n’y répondent par les leurs. (...)

Dès lors, tous les grands médias pouvaient se repaitre de la polémique et l’entretenir, en continuant à diffuser les « petites phrases » prêtées à Mélenchon selon la version donnée par l’AFP. Du Monde, à France Info, en passant par les JT de 20h de TF1, de France 2 et de nombreux autres, la meute médiatique s’en donna à cœur joie (si l’on ose dire…)

Jusqu’à ce rebondissement : d’une part, comme l’a révélé Michel Soudais sur son blog de Politis, la petite phrase relevée par l’AFP, objet du scandale, était tronquée ; et d’autre part, le contexte du propos, non rapporté dans la dépêche, ne laissait subsister aucun doute sur le sens réel des déclarations de Jean-Luc Mélenchon [1] !

Quoi que l’on pense de la position de Mélenchon, il devient alors manifeste que le petit épisode d’hystérie politico-journalistique était sans objet... Peu importe la manière, pourvu qu’on ait l’ivresse du « clash » ! Et l’entreprise de diversion et de dépolitisation médiatiques tourna à plein régime : la « clash attitude » tint lieu de compte-rendu du congrès du Parti de gauche, pratiquement passé sous silence, et plus précisément du discours précis de Mélenchon, beaucoup plus explicite (quoi que l’on pense, une fois de plus de celui-ci), que l’échange réservé aux journalistes. Mais qu’importe à ces derniers !

En effet, si Jean Quatremer daigna présenter – dont acte ! – ses excuses à Jean-Luc Mélenchon (tout en se défaussant sur l’AFP, comme si la vérification des infos n’était pas du ressort d’une vedette des rédactions comme lui), il trouva un nouvel angle d’attaque, toujours sur Twitter : Mélenchon « est brutal, populiste, nationaliste ». Presque en même temps, son compère Aphatie eut une révélation semblable sur son blog (...)

Résumons : sur la base d’une transcription fausse de l’AFP et en omettant de contextualiser la phrase litigieuse, deux journalistes politiques accusèrent Jean-Luc Mélenchon d’avoir tenu des propos antisémites à l’encontre du ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici ; alertés, des responsables politiques y allèrent de leur réplique ; et l’ensemble des médias reprirent le tout pour faire « l’évènement » politique du week-end. (...)

Mais ce n’est pas fini ! Une polémique médiatiquement orchestrée peut en chasser une autre. Doit en chasser une autre. Et elle le fait… Désormais, ce sont de prétendues insultes et invectives qui nourrissent le non-débat, et notamment l’expression de « 17 salopards » [2] utilisée par un secrétaire national du Parti de gauche, François Delapierre, pour qualifier les représentants des gouvernements européens – dont… Pierre Moscovici – qui ont avalisé le traitement infligé par l’UE aux Chypriotes. En revanche, que qualifier des militants progressistes de toujours de « nationalistes » ou de « populistes » parce qu’ils s’opposent à l’Europe telle qu’elle va puisse être offensant n’effleure visiblement pas la courtoisie journalistique... (...)

quand le débat public n’est plus qu’affaire de « piment » et « d’animation », le journalisme n’est plus que commentaire futile et superficiel, et la vie démocratique, victime de ce cirque médiatique, une triste pantalonnade…