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Migrations - Pillages et Climat
Article mis en ligne le 9 juin 2016

L’Allemagne avec 1,79 enfant par ménage est en déclin démographique. La production de ses richesses repose sur le salariat. Il lui faut importer une main d’oeuvre dont elle n’aura pas à assurer le soin les premières années et dont elle espère le départ avant la retraite. L’ethnicisation des classes sociales qui en découle donne à voir, ici comme ailleurs, l’efficace persistance des structures coloniales au coeur des villes. |1| (...)

Face à l’exode vers l’Europe des populations du Moyen-Orient fuyant la guerre par millions, certains accueillent ces migrants à bras ouverts quand d’autres les refusent complètement. Du fait de cette actualité brutale, les centaines de milliers d’Africains, traversant la Méditerranée en risquant la mort, sont estompés ou qualifiés de réfugiés économiques. Donc à renvoyer chez eux. Pourtant ne cherchent-ils pas à échapper eux aussi à la mort : là par dénuement ? Leur pauvreté devenue misère en comparaison |2| de l’opulence Européenne, ne leur impose-t-elle pas cette migration pour sauver leur famille, pour simplement vivre ?

Notre capacité émotionnelle est-elle saturée par le sort dramatique des Syriens, des Irakiens, etc, l’actualité de guerres morbides et « incompréhensibles » ainsi que par les attentats terroristes qui délocalisent et internalisent une guerre que l’on croyait « étrangère » ? Nos pays n’auraient-ils aucune responsabilité dans ces migrations en constante augmentation, que les réfugiés proviennent du Moyen-Orient ou d’Afrique ?

Bravo à l’Allemagne qui accueille un million de migrants, mais est-il acceptable qu’elle fasse un tri entre ceux qui fuient la guerre et ceux qui ne peuvent plus vivre sur leurs territoires ancestraux ? (...)

Le gouvernement « socialiste », d’une France qui conserve une natalité et un apport migratoire suffisant, n’accueille quant à lui que quelques milliers de réfugiés, et se moule ainsi dans les idées d’un FN nationaliste et xénophobe. La constitutionalisation de l’inutile déchéance de nationalité, le maintien de l’état d’urgence comme le refus de l’entrée des migrants sont d’abord destinés à affaiblir les partis de la droite classique à qui le FN prend de plus en plus de voix, en vue des présidentielles de 2017. L’enjeu électoral domine tout. Cynisme et stratégie l’emportent sur le nécessaire accueil des réfugiés et l’image d’une France des droits de l’homme. Face à Le Pen, au second tour de la présidentielle en 2017, c’est le socialiste ou le républicain présent qui l’emportera. Tous les coups sont permis pour être celui-là !

Le destin de ceux qui meurent de faim ou qui sont voués à une misère sans issue ne devient le véritable paramètre des décisions publiques que si l’émotion populaire se manifeste dans les sondages, la vraie boussole de nos dirigeants. Pourtant il y a un lien étroit entre l’enrichissement continu des pays du Nord et la pauvreté persistante, aggravée par le chaos climatique et les guerres, d’une grande partie de ceux du Sud. Les véritables causes de ces migrations Sud-Nord, doivent rester cachées sinon c’est l’injustice globale, par dépossession et pillages multiples, organisée depuis des siècles par les Européens puis tous les pays industrialisés, qui apparaîtra. Au-delà de l’émotion, il faut revenir aux sources des inégalités internationales pour comprendre. (...)

Il existe des explications multiples pour comprendre les très grands mouvements de population, même si les migrations actuelles du Moyen-orient ont pour cause primordiale le réchauffement climatique et les guerres. Ces exodes massifs ne sont sans doute que le début d’une nouvelle ère. La diminution en surface et en épaisseur des grands glaciers, andins et surtout himalayens est inquiétante. Romshoo, spécialiste des glaciers au Cachemire écrit « Nous avons relevé une baisse significative des flots provenant des glaciers. Au moins deux grands glaciers himalayens ont disparu depuis 50 ans, tandis que d’autres, situés dans un bassin crucial, ont rétréci de 27 % » |8|. Ils sont les réservoirs des grands fleuves qui irriguent les terres de centaines de millions de paysans. Sans les eaux de leur fonte, une grande partie de l’agriculture asiatique deviendra impossible et la famine ne pourra que créer des vagues de migrations comme le monde n’en a jamais connu.

Les migrations africaines et moyen-orientales vers l’Europe n’en sont sans doute que les prémisses qui, elles-mêmes, sont infimes comparées aux migrations transfrontalières. (...)

Extractivisme

Les causes véritables du réchauffement par les gaz à effet de serre (GES) sont liées à l’explosion de l’extractivisme après la seconde guerre mondiale. Si le pillage des ressources naturelles et leurs dépossessions par les Européens a commencé il y a cinq siècles, avec pour énergie la force physique des esclaves africains exilés de force en Amérique, il s’est amplifié avec la colonisation armée de presque tous les continents. Le pillage des ressources naturelles minérales, fossiles, végétales et celui des écosystèmes a alors pris une ampleur comparable à celui des ressources humaines à travers le travail forcé des peuples colonisés. (...)

Avec le commerce triangulaire des siècles passés, irriguant l’Europe d’or, d’argent et de produits tropicaux pillés, notre continent s’était déjà fortement enrichi. Ce n’était rien comparé au flux de richesses qui déferleront au cours du 19e et du début du 20e. L’envers de ce fulgurant enrichissement d’une petite caste en Europe, aux États-Unis et dans les autres pays industrialisés, sera l’appauvrissement des dépossédés des autres continents. Ce sera aussi le début des ravages environnementaux (...)

Assassinats et dettes illégitimes

Il existe deux éléments essentiels pour comprendre comment s’est opérée la continuité puis l’extension exponentielle des pillages après les décolonisations. La mise en place du système dette a été synchronisée avec les assassinats ou démissions forcées des décideurs démocrates des nouveaux États indépendants par les services secrets occidentaux. (...)

Les pays dominant le monde ont ruiné les peuples du Sud par des siècles de pillages. Ces derniers ne pourront pour survivre qu’aller de plus en plus nombreux là où se trouvent leurs richesses volées, là où ils ont un espoir de retrouver une vie digne. Les externalités environnementales et sociales de ces pillages au long cours (pollutions diverses, pertes de territoires, déforestation, « zone de sacrifice » extractiviste, sécheresses) s’accumulent sous forme d’une dette écologique jamais réparée ni compensée. Une partie des énergies fossiles brûlées par les pays industrialisés est pillée en Afrique. Or le réchauffement climatique aura sur ce continent un impact de plus en plus violent, bien que ses peuples n’aient qu’une responsabilité infime voire nulle dans l’accumulation du stock actuel de GES. En conséquence de quoi, les migrations ne pourront que s’amplifier dans les temps à venir. Les Frontex et autres murs de séparation ne seront que des remparts aussi hypocrites qu’illusoires contre ces dépouillés. Cela tant que les pillages extractivistes continueront à appauvrir les peuples extractés pour faire perdurer un système de conso-gaspillage, destructeur de notre biotope à tous, pour les profits criminels des grands actionnaires. Et tant que la dette écologique ne sera pas compensée/réparée d’une manière suffisamment forte pour que cesse de s’accumuler les externalités négatives de l’extractivisme aux détriments des populations du sud, de l’humanité toute entière et de son biotope : la Nature.