
Depuis qu’elle a fait condamner un ex-président de la République, l’association a gagné en légitimité et ses plaintes ont davantage d’écho.
Désormais, chacune de ses plaintes est scrutée par les médias : la dernière en date, une seconde plainte dans l’affaire Kohler, visant une prise illégale d’intérêt présumée du secrétaire général de l’Elysée. L’association anticorruption Anticor, créée en 2002, a beau vivoter avec 100.000 euros par an, elle a pris du galon depuis que le ministère de la Justice l’a autorisée à se porter partie civile dans les affaires touchant aux atteintes à la probité.
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Depuis le début de l’année, l’association a de nouveau été sur tous les fronts, déposant plainte contre quatre candidats à la présidentielle 2017 pour leurs comptes de campagne, ou intervenant dans plusieurs dossiers médiatiques dont la promotion du livre de Marlène Schiappa, les frais du président de la métropole lilloise, ou encore l’affaire Benalla pour laquelle elle a saisi la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique). Poil à gratter du système judiciaire et d’une certaine inertie à la française, Anticor choisit pourtant soigneusement ses combats.(...)
S’attaquer à quelques grands barons de la politique n’est pas sans conséquence. L’association subit depuis son lancement des critiques tous azimuts. Surtout à droite, où l’on considère qu’Anticor suit aussi un agenda politique.(...)
Bête noire de la Sarkozie, Anticor a été parmi les premières à s’intéresser à l’affaire des sondages de l’Elysée, brûlant dossier sur des soupçons de favoritisme au plus haut sommet de l’Etat impliquant le sulfureux Patrick Buisson. Les sarkozystes accuseront plus tard l’association d’avoir profité d’une supposée influence de la ministre de la Justice Christiane Taubira.(...)
"Ce sont des accusations récurrentes, mais on nous accuse aussi d’être trop à droite quand on attaque la gauche…", balaie Jean-Christophe Picard.(...)
Mais ce statut de quasi contre-pouvoir interpelle également certains acteurs du milieu judiciaire, où l’association divise. "Anticor agit comme un parquet bis à la française, travaillant en couple avec la presse et ne procédant que de lui-même. [...] Ils ne dépendent en rien de l’autorité publique et s’érigent en autorité semi-judiciaire", critique ainsi l’avocat Daniel Soulez Larivière dans une tribune publiée en janvier dans la revue juridique "Dalloz Actualité".
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Un "agrément" qui change tout(...)
L’agrément permet à Anticor d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne :
les infractions de concussion, prise illégale d’intérêts, favoritisme, destruction et détournement de biens publics ;
les infractions de corruption et trafic d’influence ;
les infractions de recel ou de blanchiment ;
les infractions en vue d’influencer le vote d’un ou plusieurs électeurs.(...)
Anticor, qui compte une seule permanente et deux volontaires en service civique, a choisi de ne bénéficier d’aucune subvention. Son financement est assuré uniquement par des dons et les cotisations de ses 2.450 adhérents : en tout, environ 100.000 euros par an dont le tiers part en honoraires d’avocats. Des "moyens extrêmement faibles", pointe Jean-Christophe Picard, qui forcent l’association à choisir ses combats. Mais le fonctionnaire territorial se réjouit de la réputation de "sérieux" acquise par son association.(...)
Actuellement, affirme-t-il, les avocats de l’association mènent de front une cinquantaine de procédures. Mais Anticor reçoit aussi dix alertes par jour, via la presse, des citoyens, des juristes ou des rapports de la Cour des Comptes.(...)
souvent, les informations sont très facilement accessibles et il ne se passe rien. Deux mois après l’article du ’Canard enchaîné’ sur Mathieu Gallet, rien n’avait bougé !"
La force de l’association ? Son maillage territorial (...)
"Sans volonté citoyenne nous ne pouvons rien", insiste le président d’Anticor. "Nous rédigeons des chartes éthiques, et appelons à voter pour les candidats qui les signent. Mais la lutte contre la corruption, elle commence quand on met un bulletin dans l’urne."