
Sa mère lui a dit de travailler à l’école. Elle lui a même crié dessus, à l’entrée de l’école primaire. Elle a crié sur Kévin et sur son frère. T’as intérêt à bien travailler à l’école sinon tu vas t’en prendre plein la gueule. Oublie pas qu’on est pas des bougnoules. Elle a ensuite fait la bise à une maman basanée de la dernière pluie, comme si de rien n’était. Une nouvelle venue de l’année scolaire. Souvent, elle insulte les enfants, les siens. Tu veux mon poing dans ta gueule ? Kévin, faut voir sa gueule. Oui, je sais, ce sont des dents de lait, mais tout de même. Les caries sont si profondes que la petite souris ne passera pas, on ne se déplace pas pour des cratères de sélection aussi vagues. J’imagine même que les caries actuelles vont plonger vers les dents d’adultes, qui attendent leur sort en-dessous. Tout se joue avant six ans en matières de dents.
Et puis Kévin est venu à l’anniversaire du petit, samedi dernier, avec son frère.
On a toujours rusé jusqu’ici, parce que, franchement, ça ne nous disait rien de bon pour le piano à queue que Kévin se pointe à la maison. Et puis j’avais peur pour ma batterie. Quand on est élevé par des sauvages, il est rare que l’on apprécie dans son plus jeune âge Debussy et Roy Haynes. On a tergiversé, on a même fait pire : on a menti. Et puis cette année, on n’a pas menti, on a pris notre courage à deux mains, comme notre classe politique, et on a mis Kévin dans l’invitation avec la photo du gamin, dans une enveloppe recyclée, et puis on a attendu qu’il arrive. (...)