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Mondial de football 2022 : "Au Qatar, des milliers de travailleurs sont à la merci d’employeurs sans scrupules"
Article mis en ligne le 24 juillet 2021
dernière modification le 23 juillet 2021

6 500 travailleurs migrants morts dans les chantiers de construction des stades au Qatar depuis 2010. C’est le chiffre qu’avance The Guardian, ce mardi 23 février 2021. Le journal britannique, en pointe sur les investigations liées au football, a récolté et compilé des données collectées auprès des autorités du Sri Lanka, du Népal, du Bangladesh, de l’Inde ou encore du Pakistan.

Ces chiffres pourraient être bien plus importants, car le Kenya ou encore les Philippines, grands pourvoyeurs de travailleurs au Qatar, n’ont pas, comme d’autres pays, communiqué leurs chiffres.

Face à cela, le Qatar affirme constater uniquement 37 décès de migrants liés à la construction de stades. La FIFA , par la voix de son porte-parole, avance : "Avec les mesures de santé et de sécurité très strictes sur le site, la fréquence des accidents sur les chantiers de la Coupe du monde de la FIFA a été faible par rapport à d’autres grands projets de construction dans le monde".

Une situation dénoncée à de nombreuses reprises, ces dernières années, par plusieurs ONG. Elles alertent sur la situation des travailleurs migrants sur les chantiers de construction de stades et d’infrastructures pour la Coupe du monde 2022. Parmi elles, Amnesty International, représentée par May Romanos, avocate et chercheuse au sein du pôle Proche-Orient.

May Romanos : Après des années d’examen minutieux de son traitement des travailleurs migrants et la dénonciation de leurs conditions de travail, le Qatar a finalement pris un engagement important pour améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs migrants, qui représentent environ 90% de sa main-d’œuvre. Aujourd’hui, des progrès importants ont été accomplis, notamment avec la suppression de l’obligation légale pour les travailleurs d’obtenir la permission de leur employeur de quitter le pays ou de changer d’emploi, la création de nouveaux tribunaux du travail et l’introduction d’un nouveau salaire minimum.

Cependant, ces réformes ne sont pas toujours mises en oeuvre, laissant des milliers de travailleurs à la merci d’employeurs sans scrupules, qui continuent de les exploiter en toute impunité. Aujourd’hui, de nombreux travailleurs migrants ne sont toujours pas payés à temps ou en totalité.

Beaucoup d’entre eux travaillent sur des plages horaires excessivement longues et luttent pour accéder à la justice afin de faire reconnaître les abus dont ils sont victimes.

Il faut savoir que beaucoup arrivent au Qatar endettés, après avoir payé des frais de déplacement élevés. Ils se retrouvent donc, de facto, piégés, dans un cycle d’abus dont ils ne peuvent s’extraire. Il faut ajouter à cela la pandémie de Covid-19, qui a encore exacerbé les abus dont ils étaient victimes. Certains ne reçoivent pas leur salaire depuis des mois. (...)

nous nous sommes entretenus avec des travailleurs migrants qui étaient employés pour la construction du stade Al Bayt. Nous avons constaté qu’ils avaient travaillé pendant sept mois, sans salaire. Nous continuons à mener nos investigations, mais il faut savoir que c’est un travail qui prend du temps. (...)

Il y a un manque de transparence clair autour de cette question, d’autant plus que la plupart des décès ont tendance à être signalés comme "causes naturelles" ou "arrêt cardiaque" sans enquêtes ni autopsies appropriées permettant de déterminer si la cause du décès est liée au travail.

Il existe également une tendance à la séparation entre les travailleurs migrants qui travaillent directement sur les stades de la Coupe du monde et ceux qui construisent les routes, le métro, les hôtels et les infrastructures nécessaires. Nous pensons que tous les travailleurs migrants du pays ont joué un rôle essentiel pour rendre cette Coupe du monde possible pour le Qatar et que toutes les mesures devraient être prises pour protéger chacun d’entre eux contre le risque de mort et d’exploitation (...)

L’horloge tourne et des actions sont nécessaires de toute urgence avant qu’il ne soit trop tard. Pour cela, nous appelons le Qatar à mettre immédiatement en œuvre les réformes promises, à veiller à ce que les travailleurs soient payés intégralement et à temps. (...)

Pour finir, il faut que le Qatar respecte le droit de ces travailleurs et leur permette de former des syndicats. Toutes ces mesures permettraient, globalement, de mettre fin à la culture de l’impunité qui règne chez ceux qui emploient des travailleurs migrants.

Cela fait plus d’une décennie que nous appelons le Qatar et ses partenaires à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs migrants contre les abus et les risques de mort. Si le gouvernement a finalement montré sa volonté de remédier à ces abus, l’action a été lente et l’impact sur le terrain encore plus lent. (...)

Depuis l’octroi des droits d’accueil au Qatar, nous avons appelé la FIFA à jouer un rôle plus actif pour garantir que le gouvernement protège la vie des travailleurs. Pour s’acquitter de sa responsabilité d’entreprise, l’instance aurait dû exiger et devrait toujours exiger du Qatar qu’il fournisse et mette en œuvre un plan d’action crédible pour prévenir et atténuer le risque de décès et autres violations des droits de l’homme dans le cadre de ce tournoi.

En outre, la FIFA aurait dû faire pression et devrait toujours faire pression sur le Qatar pour qu’il enquête de manière indépendante et impartiale sur ces décès, publie les résultats et assure l’indemnisation des familles. Si ces dernière années, la FIFA avait usé de son influence afin d’inciter le Qatar à réformer son système, nous n’entendrions plus des récits de souffrance des travailleurs, ni de bilans alarmants, à seulement deux ans du coup d’envoi de la compétition.