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RESF
Monsieur Cazeneuve, vous n’avez pas honte ?
par Richard Moyon (resf 92)
Article mis en ligne le 8 avril 2016

Un enfant de 8 ans maintenu 11 jours en zone d’attente, tout seul, comme un grand. Sa mère Comorienne très pauvre voulait l’envoyer chez sa tante française. Cazeneuve refuse de l’admettre sur le territoire pour ne pas "envoyer un signal" à ceux qui seraient tentés d’envoyer leurs enfants en France. Et donc, zone d’attente pour le gamin et déloyauté dans toute la procédure.

La presse a largement rapporté les aventures d’Ibrahim, petit comorien de huit ans enfermé onze jours en ZAPI, cette prison, située dans l’aéroport de Roissy, où sont séquestrés les étrangers soupçonnés de vouloir entrer « indûment » sur le territoire français.

Sa mère vit aux Comores dans une grande pauvreté. Etant à la rue, elle n’avait même plus les moyens de scolariser son fils. Elle a pris la décision douloureuse de se séparer de son enfant et de le confier à sa tante qui est française et vit en région parisienne, pour qu’il aille à l’école et ait un avenir meilleur. Des préoccupations pour lesquelles les ministres ont le plus total mépris. (...)

Sa conception de l’intérêt supérieur de l’enfant honore le ministre !

La déloyauté du ministre et du préfet ont aussi fourni à Ibrahim l’occasion de battre le record du plus jeune individu refusant d’embarquer. Une audience devant le JLD de Bobigny était prévue le 1er avril à 11 heures. La veille, l’administratrice ad hoc de l’enfant[1] avait reçu l’assurance qu’il serait bien présenté au tribunal. Mais, à 10h15, elle recevait un appel de la PAF lui annonçant qu’Ibrahim était dans l’avion de 10h55 pour les Comores. Avec la même malhonnêteté, on a fait croire à l’enfant, en le levant à l’aube, qu’il serait conduit au tribunal. Il dit qu’il n’a compris qu’il était en partance pour Moroni que quand on a attaché sa ceinture. Il a alors pleuré et crié jusqu’à ce que le commandant de bord intervienne. Il lui a exposé sa situation et dit son refus de rentrer. Le commandant de bord a imposé qu’il redescende. Façon pour le ministère de l’Intérieur conjuguer l’odieux et l’échec. Une habitude sous Hollande.

A son arrivée au tribunal alors qu’il venait de refuser d’embarquer, venant de Roissy dans une voiture de police, il entre dans la salle d’audience, petit bonhomme d’un mètre vingt à peine, son minuscule sac sur le dos, précédé d’un policier en uniforme et suivi d’un autre. Sa tante –assise à côté de moi et qui est allée le voir presque chaque jour à Roissy —un vrai voyage depuis la ville où elle réside— me demande si je pense qu’elle peut aller l’embrasser. J’interroge un CRS. Réponse négative : « Impossible. Demandez à la responsable ». Je m’adresse à cette policière, une femme, jeune. Réponse tout aussi négative. Je la félicite pour son sens de l’humanité. « J’applique les consignes » répond-elle, gênée mais butée. (...)

La présidente rend enfin sa décision : Ibrahim sort de zone d’attente, il est confié au procureur qui reçoit la famille sur le champ, s’assure des conditions de son accueil et décide de le lui remettre.

L’affaire n’était pourtant pas terminée ! Le lundi 4 avril vers 17 heures l’avocate d’Ibrahim était informée que, selon toute probabilité sur consigne du ministère de l’Intérieur, le préfet de Seine-St-Denis avait fait appel de la décision de libération d’Ibrahim. Nouvelle audience au Palais de justice de Paris le 5 avril en fin de matinée. L’acharnement dans la maltraitance comme méthode éducative ? Heureusement, la famille n’avait pas reçu de convocation et n’était pas présente à l’audience, réplique de la précédente. Un avocat qui répète qu’Ibrahim n’a pas pu être expulsé à cause des attentats de Bruxelles, qui doute de l’authenticité de la lettre parvenue par scan (le courrier postal met 8 jours) de la mère confiant son enfant à sa tante et qui redit qu’admettre l’enfant en France serait un mauvais message et qui, dans l’intérêt bien compris de l’enfant propose de l’emprisonner 8 jours de plus. Maître Catherine Daoud dénonce la déloyauté de la préfecture dans toute cette affaire, le fait que des pièces du dossier disparaissent tandis que d’autres apparaissent, s’étonne que le juge des enfants n’ait pas été saisi malgré plusieurs demandes. Elle explique les prétendus revirements de la mère qui a dit au brigadier qui l’interrogeait que si son fils était remis dans l’avion, elle ne le laisserait pas seul à l’arrivée ! L’administratrice ad hoc répète qu’au cours de leurs conversations téléphoniques la mère d’Ibrahim a maintes fois assuré que l’envoi de son fils est un geste d’amour.

Après un court délibéré, la présidente a rendu un jugement que les juristes estiment « bizarre » : la décision de libération prise par le JLD de Bobigny est annulée mais Ibrahim reste en France.

Il est aujourd’hui chez son oncle et sa tante. Il va être scolarisé et avoir une vie normale d’enfant de son âge. Mais combien de temps lui faudra-t-il pour oublier ?
(...)