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Libération
Mort de Serge Livrozet : société, tu l’auras pas
#anarchisme #prison
Article mis en ligne le 5 décembre 2022
dernière modification le 4 décembre 2022

Taulard, écrivain, militant, figure de la contestation des prisonniers dans les années 70, éphémère compagnon de route de « Libé », acteur chez Laurent Cantet… Serge Livrozet s’est refusé toute sa vie à la société, luttant contre l’injustice et le déterminisme social. Il est mort à 83 ans.

(...) Neuf ans au total derrière les barreaux, un cigarillo entre les lèvres et voilà Livrozet devenu homme de lettres dans la mitterrandie des années 80. Il fonde sa maison d’édition, les Lettres libres, délivre des essais, des fictions… Et patatras, il est arrêté, « ainsi que trois autres personnes, le 29 août 1986 après la découverte, dans l’imprimerie parisienne de sa maison d’édition, de 70 millions de fausses coupures de 100 francs », nous apprend sèchement le Monde. Après une longue bataille judiciaire et quelques mois de détention, Livrozet est relâché, son associé ayant reconnu avoir fabriqué les faux billets à son insu.

« Mieux vaut fumer, boire et baiser, tu meurs plus tard » (...)

Au tournant des années 2000, Livrozet abandonne la plume et s’essaie au cinéma, cette usine à reconversion. Derrière la caméra comme conseiller technique dans le téléfilm Femme de voyou (1991) de Georges Birtschansky. Devant la caméra pour Laurent Cantet, qui le remarque lors d’une de ses interventions télé, et lui offre dans l’Emploi du temps (2001) le rôle d’un malfaiteur (lire ci-dessous). Il remet le couvert quinze ans plus tard aux côtés de Gilbert Melki dans Vendeur. Il participe aussi au documentaire de Nicolas Drolc, Sur les toits (2014), où au côté d’Henri Leclerc et d’anciens détenus, il ausculte la trentaine de mutineries dans les prisons françaises durant les années 1971-1972. Avant que le cinéaste ne le suive pour un formidable portrait en grand : La mort se mérite (2017). Dans ce film en noir et blanc, Serge Livrozet, vieilli mais toujours souriant, sorti d’une opération lourde, livre ses considérations libertaires sur la vie, la prison, la mort. Et la société. Avec une pointe d’amertume : « On pensait que la révolte allait arriver, elle n’est pas arrivée. Et elle n’est pas près d’arriver. » Ou d’humour : « Regardez le Christ, il fumait pas, il buvait pas, il baisait pas, il est mort à 33 ans, en étant fils de Dieu. Mieux vaut fumer, boire et baiser, tu meurs plus tard. » (...)

Au tournant des années 2000, Livrozet abandonne la plume et s’essaie au cinéma, cette usine à reconversion. Derrière la caméra comme conseiller technique dans le téléfilm Femme de voyou (1991) de Georges Birtschansky. Devant la caméra pour Laurent Cantet, qui le remarque lors d’une de ses interventions télé, et lui offre dans l’Emploi du temps (2001) le rôle d’un malfaiteur (lire ci-dessous). Il remet le couvert quinze ans plus tard aux côtés de Gilbert Melki dans Vendeur. Il participe aussi au documentaire de Nicolas Drolc, Sur les toits (2014), où au côté d’Henri Leclerc et d’anciens détenus, il ausculte la trentaine de mutineries dans les prisons françaises durant les années 1971-1972. Avant que le cinéaste ne le suive pour un formidable portrait en grand : La mort se mérite (2017). Dans ce film en noir et blanc, Serge Livrozet, vieilli mais toujours souriant, sorti d’une opération lourde, livre ses considérations libertaires sur la vie, la prison, la mort. Et la société. Avec une pointe d’amertume : « On pensait que la révolte allait arriver, elle n’est pas arrivée. Et elle n’est pas près d’arriver. » Ou d’humour : « Regardez le Christ, il fumait pas, il buvait pas, il baisait pas, il est mort à 33 ans, en étant fils de Dieu. Mieux vaut fumer, boire et baiser, tu meurs plus tard. » (...)

Mardi, Serge Livrozet a enfin quitté ce monde « où [il] n’aurait pas voulu naître » et qui l’aura détenu 83 ans.

Lire aussi :

De luttes, de taule et de mots - Corinne Morel Darleux

Né de père inconnu et de mère prostituée, pauvre et « destiné à être exploité », Serge Livrozet a refusé l’assignation sociale et choisi de « prendre de l’argent où il considérait qu’il y en avait trop ». Après une première incarcération, il décide en 1968 de « politiser son illégalité » et devient cambrioleur « de ces gens qui ont les moyens de l’être ». (...)

Malgré les progrès réalisés dans les années 80, avec l’essor des bibliothèques de prison notamment et le travail des associations, il reste du chemin à parcourir pour que la lecture et l’écriture soient considérés comme des besoins fondamentaux. Des droits, bien sûr, il y en a bien d’autres à conquérir dans le milieu carcéral [6]. Mais ce combat pour l’accès à la lecture, justement parce qu’il peut sembler dérisoire, mérite d’être poursuivi. Parce que la lecture est tout sauf dérisoire et qu’elle peut devenir un moyen, éphémère mais à portée de mains, de lutter contre l’enfermement et l’isolement, dehors comme dedans. Le livre est un droit à l’évasion légale…

Je ne connais pas la prison. Je ne prétends ni parler à la place des détenus, ni théoriser l’incarcération. Ce que je sais en revanche, c’est que ce qui s’y passe ne concerne pas que les prisonniers, mais l’ensemble de la société. (...)