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Mutualité : une gestion étudiante expropriée
Article mis en ligne le 17 mars 2015
dernière modification le 12 mars 2015

Le 3 juillet 2014, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution 1 place la LMDE (La mutuelle des étudiants qui a succédé à la MNEF en 2000) sous administration provisoire, les mandats des étudiants du Conseil d’administration sont suspendus. Le 9 Février 2015, l’administratrice provisoire obtient le placement la mutuelle sous procédure de sauvegarde judiciaire. Pendant une période de six mois, la majorité des salariés ainsi que la gestion administrative devraient être transférés à la Sécurité Sociale. Avec cette expropriation par l’extérieur, c’est la fin d’une histoire qui commence en 1948 par la création d’une mutuelle autogérée, la Mutuelle nationale des étudiants de France, gestion étudiante qui sera expropriée d’abord de l’intérieur.

Création et conquêtes

La création d’une sécurité sociale généralisée prévue par le Conseil national de la Résistance se heurte après la Libération à l’opposition des professions libérales et indépendantes soucieuses de ne pas être soumises aux salariés au sein d’un même régime. Dans la même période, la question d’une couverture sociale se pose pour les étudiants.

Car si les 120 000 étudiants sont issus des couches plutôt favorisées, cela n’implique pas de bonnes conditions sanitaires. La tuberculose les touche particulièrement et, depuis les années 1920, c’est une des principales préoccupations des associations étudiantes et de leur union nationale, l’UNEF. Décidé en 1923 par son congrès de Clermont-Ferrand, c’est en 1933 que s’ouvre à Saint-Hilaire du Touvet le premier sanatorium des étudiants sous l’égide d’une Fondation santé des étudiants de France 2. Dès l’époque, les problèmes d’équilibre entre les pouvoirs, « étudiant », étatique et médical, se posent au sein de la Fondation et de ses établissements.

Se reconstruisant sur une base syndicale lors du congrès de Grenoble en avril 1946 3 l’UNEF considère dans sa charte l’étudiant comme un « jeune travailleur intellectuel » ayant « droit à une prévoyance sociale particulière dans les domaines physique, intellectuel et moral. » Pour arriver à un système géré par les intéressés eux-mêmes, il a fallu surmonter deux types de résistances. Une résistance interne, notamment dans les filières menant aux professions indépendantes et libérales (droit, médecine), désireuses de s’intégrer ce qu’ils pensent être leurs professions futures, et donc dans leurs régimes, avec la volonté politique d’échapper au mélange dans un même régime avec les « ouvriers » (et leurs syndicats). Des réticences externes, puisqu’il n’allait pas de soi pour les administrations, plus globalement pour le monde des adultes, de confier une telle gestion aux jeunes et à leurs associations. De 1946 à 1948, en deux années d’intense travail de conviction sur les deux fronts, l’équipe dirigeante de l’UNEF arrive à un double résultat : l’intégration des étudiants dans le régime général (avec une sorte de régime particulier : « cotisation symbolique » non assise sur un salaire inexistant, la non couverture des accidents de travail, vieillesse, invalidité, décès, etc…) avec la loi du 23 septembre 1948, et sa gestion par une mutuelle étudiante. Le 25 octobre 1948 la MNEF est fondée au Palais de la mutualité par les représentants des AGE de l’UNEF. Le principal maître d’œuvre, Charles Lebert, pouvait se réjouir : « Le législateur allait confier la gestion de la sécurité sociale étudiante qui n’existait pas encore à une mutuelle qui existait encore moins. »

Cette époque des années 1950 et 1960 est celle de conquêtes rendues possibles par un fort investissement militant compensant des moyens matériels faibles (...)

Aux difficultés matérielles de l’augmentation de la consommation de soins, des dossiers à traiter, s’ajoute la distance entre la masse étudiante et ses représentants, et surtout les contraintes financières que les pouvoirs publics dressent. Ces contraintes sont en partie « gestionnaires », et en grande partie politiques, le gouvernement gaulliste ayant, depuis la guerre d’Algérie et les années 68, une profonde hostilité au mouvement étudiant, son syndicat et sa mutuelle.

D’ailleurs, les pouvoirs publics des années 1970 vont soutenir les « mutuelles régionales », ce qui va introduire une logique de concurrence avec tous les effets pervers d’une telle situation. (...)

La véritable équipe dirigeante de la MNEF en cette fin des années 1980 s’était professionnalisée, mêlant en une parfaite osmose des éléments issus de l’action syndicale et politique (notamment des socialistes, qu’ils soient « de souche » ou de nouveaux venus après 1986), et des personnels formés dans les grandes écoles et écoles de commerce. Là où la mutuelle recrutait lors des « campagnes d’inscription » des militants, elle embaucha des « commerciaux » pour vendre les « produits ». Le secrétaire général Spithakis a été l’incarnation personnifiée de ces deux caractéristiques. Les phénomènes de corruption étant inhérents à l’adoption d’un système plus proche de l’entreprise, du groupe de sociétés (même d’économie sociale), sans transparence, l’esprit mutualiste, démocratique, de transformation était mort depuis longtemps quand dans un dernier sursaut en 1999 les syndicats étudiants en ont tenté la reconquête. La MNEF fut dissoute en 2000, prix d’une « professionnalisation » d’un pouvoir gestionnaire aux antipodes de l’autogestion.