
Pour continuer d’irriguer leurs cultures de maïs très gourmandes en eau, des exploitants agricoles installés dans la Vienne envisagent la construction de 41 réservoirs d’eau d’ici 2022. Ces retenues, qui ne profiteraient qu’à une poignée d’agriculteurs, équivaudraient à 7,5 fois le projet de barrage de Sivens. Objectif : pomper de l’eau dans les rivières et les nappes phréatiques durant l’hiver, puis la stocker en vue de limiter le pompage en été. Un moyen, selon les opposants, de contourner les restrictions d’arrosage en période estivale, et de faire perdurer un modèle d’agriculture intensive. Des services de l’État font cependant pression en faveur de ces projets. Enquête.
Les opposants les appellent des « bassines », les porteurs de projet lui préfèrent le terme plus sobre de « réserves d’eau de substitution ». Quelle que soit leur appellation, ces projets n’en finissent pas de diviser dans la Vienne. Intégré dans un contrat territorial établi en 2012 avec l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, le programme est porté par la Chambre d’agriculture et cinq sociétés coopératives de gestion de l’eau [1] qui regroupent au total 190 exploitants agricoles sur le bassin de la rivière Clain, qui traverse Poitiers, soit 4 % des agriculteurs et agricultrices du secteur. Chaque réserve bénéficierait en moyenne à trois ou quatre agriculteurs seulement, essentiellement des producteurs de maïs. Entre 100 et 150 bassins sont en projet à l’échelle de l’ex-région Poitou-Charentes [2].
7,5 fois le projet de barrage de Sivens
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces « bassines » ne sont pas destinées à récupérer l’eau de pluie. Elles serviront à stocker l’eau pompée dans les rivières et les nappes phréatiques pendant l’hiver, lorsque ces dernières se remplissent. (...)
Ces réserves permettraient de stocker au total environ 11 millions de m3 d’eau pour irriguer en été. En comparaison, cela représente 7,5 fois le projet de barrage à Sivens. Comme dans le Tarn, parmi les acteurs impliqués, on retrouve la Compagnie d’aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG), qui prodigue des conseils aux porteurs du projet.
Le budget du programme est de plus de 72 millions d’euros, dont 70 % sont censés provenir de financements publics – par la Région Nouvelle-Aquitaine, et l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne. Les 30 % restants seraient apportés par les sociétaires des coopératives, donc les irrigants eux-mêmes [3]. Mais les projets, sur l’ensemble de la zone Poitou-Charentes, ont connu un premier accroc avec le refus de la Région, fin juin, de les financer, à hauteur de 10 %. « Cette délibération vise justement à préserver les ressources en eau dans la Région », se félicite Léonore Moncond’huy, conseillère régionale Europe-Écologie Les Verts. L’Agence de l’eau, quant à elle, devrait se prononcer en septembre. Mais si la décision de la Région remet en cause le montage financier du projet, elle n’implique pas automatiquement son abandon.
Contourner les restrictions estivales sur l’irrigation(...)
Face au scepticisme de certains irrigants, des institutions, en premier lieu la Direction départementale des territoires (DDT, un service déconcentré de l’État) puis la Chambre d’agriculture, ont exercé des pressions sur eux en les menaçant de remettre en cause l’attribution de leurs volumes d’eau. (...)